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Paul ClaudelConnaissance de l'Est, 1907
J’ai oublie la raison de ce voyage que j’entrepris, pareil à Confucius quand il vint porter la doctrine au prince de Ou, et quelle fut la matière de ma négociation. Assis tout le jour dans le fond de ma chambre vernie, ma hâte sur les eaux calmes ne devançait pas le progrès cycnéen de l’embarcation. Parfois seulement, au soir, je venais avec sagesse considérer l’aspect de la contrée. Notre hiver n’a point de sévérité. Saison chère au philosophe, ces arbres nus, l’herbe jaune, marquent assez la suspension du temps sans qu’un froid atroce et des violences meurtrières l’attestent, superflus, définitive. À ce douzième mois encore, cimetière et potager, la campagne, avec les tertres partout des tombes, s’étend productive et funèbre. Les bosquets de bambous bleus, les pins sombres au-dessus des sépultures, les roseaux glauques, arrêtent avec art le regard en le satisfaisant, et les fleurs jaunes du Chandelier-de-l’An-Neuf, avec les baies de l’arbre-à-suif, confèrent au grave tableau une parure honnête. Je vogue en paix au travers de la région modérée. Maintenant il fait nuit. J’attendrais en vain, à l’avant de la jonque où je suis posté, que l’appât de notre ancre de bois attirât sur l’eau béate l’image de cette lune endommagée que le seul Minuit nous réserve. Tout est sombre ; mais, sous l’impulsion de la godille où que vire notre proue, il n’est pas à penser que route faille à notre navigation. Ces canaux comportent des ramifications sans nombre. Poursuivons avec tranquillité le voyage, l’œil à cette étoile solitaire.
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