Fille du vieux pasteur, qui d’une main agile
Le soir emplis de lait trente vases d’argile,
Crains la génisse pourpre, au farouche regard,
Qui marche toujours seule et qui paît à l’écart.
Libre, elle lutte et fuit, intraitable et rebelle.
Tu ne presseras point sa féconde mamelle,
À moins qu’avec adresse un de ses pieds lié
Sous un cuir souple et lent ne demeure plié.
Poète, qui t’a dit que j’étais si fragile ?
Tu penses que mes doigts sont faits de fine argile ?
Avoir peur d’une vache, avoue que c’est ringard.
Et devrais-je, aussi bien, lui montrer des égards ?
« Madame la génisse, offrez votre mamelle
À votre humble servante, innocente pucelle... »
Je veux bien avoir peur du taureau, du bélier
Ou du bouc, ou de toi, l’habile parolier.