Qui comptera les fleurs de la saison nouvelle,
Ou du ciel azuré les rayonnants flambeaux,
Ou du grand Océan les écaillés troupeaux,
Ou la bande qu’en l’air se soutient de son aile :
Qui comptera les grains d’une cueillette belle,
Ou des champs Auvergnats les Vaches et les veaux,
Ou des loyaux amants les langoureux travaux,
Ou ceux que de tout temps usuriers on appelle.
Qui comptera le poil des hommes bien chenus,
Ou subtil comptera les Atomes menus,
Ou le brillant sablon du Libyque rivage.
Somme qui comptera les Amours de Cypris,
Ou des Dames qui ont l’esprit aussi volage,
Celui pourra compter mes amoureux soucis.
Je compte les joyaux de la voûte éternelle ;
Aussi des vers luisants les verdoyants flambeaux,
Et les rennes lapons, gigantesques troupeaux,
Et tous les papillons aux chatoyantes ailes,
Puis, les nombreux miroirs consultés par les belles,
Les garçons repentants pour qui l’on tue le veau,
Les fourmis s’acharnant toujours à leurs travaux,
Tous les menus poissons que fretin l’on appelle,
Les mille faits divers à Paris survenus,
Les mille plats du jour figurant aux menus,
Les millions de reflets marins sur les rivages,
Comptant ce que j’ignore et ce que je connais,
Je tiens de toute chose un singulier comptage ;
Mais je ne compte pas combien j’ai de sonnets.