Antoine de Bertin

Les Amours, 1780



Quand je perdais les plus beaux de mes jours
Si doucement aux pieds de ma maîtresse,
J’imaginais dans ma crédule ivresse,
Qu’un tel bonheur devait durer toujours.
« Qu’importe, hélas ! me disais-je à moi-même,
« Que le temps vole ? il doit peu m’alarmer.
« Après mille ans peut-on cesser d’aimer
« Ce qu’une fois éperdument on aime ?
« Quand j’aurai vu, moins bouillant dans mes vœux,
« S’évanouir les erreurs du bel âge,
« Et que mon front, dégarni de cheveux,
« M’avertira qu’il est temps d’être sage,
« Rendu pour lors à mes premiers penchants,
« J’irai, j’irai, loin du monde volage,
« De mes aïeux cultiver l’héritage,
« Tondre ma vigne, et labourer mes champs.
« Dans mon foyer ma compagne fidèle,
« Mon Eucharis, viendra donner des lois ;
« Le doux ramier reconnaîtra sa voix,
« Et mes agneaux bondiront autour d’elle.
« Elle saura, dans la saison nouvelle,
« Porter des fleurs au jeune dieu des bois :
« Elle saura, puissant fils de Sémèle,
« T’offrir les dons du plus riche des mois,
« Et surcharger ta couronne immortelle
« D’un raisin mûr qui rougira ses doigts.
« Mon Eucharis fermera ma paupière :
« Oui ! je mourrai dans ses embrassements ;
« Et là, sans pompe, un jour la même pierre
« Sous des cyprès unira deux amants. »
 
Je le disais. Quelle erreur insensée,
Quel fol espoir enivrait ma pensée !
Les vents hélas ! en tourbillons fougueux
Sur l’océan ont emporté mes vœux.
Mon Eucharis est trompeuse et parjure.
Qu’ai-je donc fait ? et quelle est son injure ?
Ai-je un seul jour, négligeant ses attraits,
À ses beaux yeux coûté de tristes larmes ?
Ai-je, la nuit, dans des festins secrets,
Par mes clameurs ou mes chants indiscrets,
En l’éveillant, excité ses alarmes ?
Dans mon malheur si j’ai pu l’offenser,
Je cours m’offrir à sa main vengeresse :
De tout mon sang je suis près d’effacer
Les pleurs jaloux qu’a versés sa tendresse.
Mais tremble, ô toi qui ris de mon tourment ;
Tremble : l’amour t’en réserve un terrible.
Censeur malin, crains cet arc invincible,
Qui d’un seul coup frappe et venge un amant.
Pour avoir ri des maux de la jeunesse,
À ses chagrins pour avoir insulté,
Que d’imprudents j’ai vus, dans leur vieillesse,
Tendre leurs mains aux fers de la beauté,
Balbutier un aveu ridicule,
Se parfumer, parer leurs cheveux blancs,
Et, tout transis au pied d’un vestibule,
De leur martyre amuser les passants !
Ah ! si je puis, revoyant l’inhumaine,
Seule un instant du moins l’entretenir,
À ses genoux si le sort me ramène,
Peut-être hélas ! mes tourments vont finir.
Mon Eucharis connaîtra ma tendresse ;
Elle craindra de me désespérer.
Heureux l’amant, quitté de sa maîtresse,
Qui la rencontre, et qu’elle voit pleurer !
 

Commentaire (s)
Votre commentaire :
Nom : *
eMail : * *
Site Web :
Commentaire * :
pèRE des miséRablEs : *
* Information requise.   * Cette adresse ne sera pas publiée.
 


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Jасоb : Lе Dépаrt

Βеrtrаnd : Μоn Βisаïеul

Ρоnсhоn : Lе Gigоt

Lа Fоntаinе : Lе Сhаrtiеr еmbоurbé

Jасоb : Silеnсе dаns lа nаturе

Βоilеаu : Sаtirе VΙΙΙ : «Dе tоus lеs аnimаuх qui s’élèvеnt dаns l’аir...»

Sigоgnе : «Се соrps défiguré, bâti d’оs еt dе nеrfs...»

Du Βеllау : «Соmtе, qui nе fis оnс соmptе dе lа grаndеur...»

Βаudеlаirе : Αu Lесtеur

Сhrеtiеn dе Τrоуеs : «Се fut аu tеmps qu’аrbrеs flеurissеnt...»

Τоulеt : «Dаns lе lit vаstе еt dévаsté...»

Riсtus : Jаsаntе dе lа Viеillе

☆ ☆ ☆ ☆

Lаfоrguе : Соmplаintе d’un аutrе dimаnсhе

Vеrlаinе : Lе Dеrniеr Dizаin

Νоël : Visiоn

Siеfеrt : Vivеrе mеmеntо

Dеshоulièrеs : Sоnnеt burlеsquе sur lа Ρhèdrе dе Rасinе

Τоulеt : «Τоi qui lаissеs pеndrе, rеptilе supеrbе...»

Siсаud : Lа Grоttе dеs Léprеuх

Соppéе : «Сhаmpêtrеs еt lоintаins quаrtiеrs, је vоus préfèrе...»

Cоmmеntaires récеnts

De Сurаrе= sur Οisеаuх dе pаssаgе (Riсhеpin)

De Сurаrе- sur «Ιl n’еst riеn dе si bеаu соmmе Саlistе еst bеllе...» (Μаlhеrbе)

De Сосhоnfuсius sur Lа Соlоmbе pоignаrdéе (Lеfèvrе-Dеumiеr)

De Сосhоnfuсius sur Lе Саuсhеmаr d’un аsсètе (Rоllinаt)

De Сосhоnfuсius sur «Μаrs, vеrgоgnеuх d’аvоir dоnné tаnt d’hеur...» (Du Βеllау)

De Xi’аn sur Lе Gigоt (Ρоnсhоn)

De Jаdis sur «Lе Sоlеil l’аutrе јоur sе mit еntrе nоus dеuх...» (Rоnsаrd)

De Jаdis sur «Qu’еst-се dе vоtrе viе ? unе bоutеillе mоllе...» (Сhаssignеt)

De Dаmе dе flаmmе sur À sоn lесtеur : «Lе vоilà сеt аutеur qui sаit pinсеr еt rirе...» (Dubоs)

De Yеаts sur Ρаul-Jеаn Τоulеt

De Ιо Kаnааn sur «Μаîtrеssе, quаnd је pеnsе аuх trаvеrsеs d’Αmоur...» (Rоnsаrd)

De Rоzès sur Μédесins (Siсаud)

De Dаmе dе flаmmе sur «Hélаs ! vоiсi lе јоur quе mоn mаîtrе оn еntеrrе...» (Rоnsаrd)

De Jаdis sur «J’аdоrе lа bаnliеuе аvес sеs сhаmps еn friсhе...» (Соppéе)

De Rоzès sur Lе Сhеmin dе sаblе (Siсаud)

De Sеzоr sur «Jе vоudrаis biеn êtrе vеnt quеlquеfоis...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе)

De KUΝG Lоuisе sur Villе dе Frаnсе (Régniеr)

De Сurаrе- sur «Épоuvаntаblе Νuit, qui tеs сhеvеuх nоirсis...» (Dеspоrtеs)

De Xi’аn sur Jеhаn Riсtus

De Villеrеу јеаn -pаul sur Détrеssе (Dеubеl)

De ΒооmеrаngΒS sur «Βiеnhеurеuх sоit lе јоur, еt lе mоis, еt l’аnnéе...» (Μаgnу)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе