Antoine de Bertin



Je vous revois, ombrage solitaire,
Lit de verdure impénétrable au jour,
De mes plaisirs discret dépositaire,
Temple charmant où j’ai connu l’amour.
Ô souvenir trop cher à ma tendresse !
J’entends l’écho des rochers d’alentour
Redire encor le nom de ma maîtresse.
Je vous revois, délicieux séjour.
Mais ces moments de bonheur et d’ivresse,
Ces doux moments sont perdus sans retour.
C’est là, c’est là qu’au printemps de ma vie,
En la voyant je me sentis brûler
D’un feu soudain : je ne pus lui parler ;
Et la lumière à mes yeux fut ravie.
C’est là qu’un soir j’osai prendre sa main,
Et la baiser d’un air timide et sage ;
C’est là qu’un soir j’osai bien davantage :
Rapidement je fis battre son sein,
Et la rougeur colora son visage ;
C’est là qu’un soir je la surpris au bain.
Je vois plus loin la grotte fortunée,
Où dans mes bras soumise, abandonnée,
Les nœuds défaits et les cheveux épars,
De son vainqueur évitant les regards,
Mon Eucharis, heureuse et confondue,
Pleura long-temps sa liberté perdue.
Le lendemain, de ses doigts délicats
Elle pinçait les cordes de sa lyre,
Et, l’œil en feu, dans son nouveau délire,
Elle chantait l’amour et ses combats.
À ses genoux, j’accompagnais tout bas
Ces airs touchants que l’amour même inspire,
Que malgré soi l’on se plaît à redire
L’instant d’après. Alors plus enflammé
Je m’écriais : « Non ! Corine et Thémire,
« Céphise, Aglaure, et la brune Zulmé,
« Qu’on vante tant, ne sont rien auprès d’elle !
« Mon Eucharis est surtout plus fidèle :
« Je suis bien sûr d’être toujours aimé ! »
La nuit survint : asile humble et champêtre,
Long corridor interdit aux jaloux,
Tu protégeas mes larcins les plus doux.
Combien de fois j’entrai par la fenêtre
Quand sa pudeur m’opposait des verroux !
Combien de fois dans l’enceinte profonde
De ces ruisseaux en fuyant retenus,
Au jour baissant, je vis ces charmes nus
En se plongeant embrassés de leur onde,
Et sur les flots quelque temps soutenus !
Je croyais voir ou Diane, ou Vénus,
Sortant des mers pour embellir le monde.
Combien de fois, au sein même des eaux,
Qu’elle entr’ouvrait, me plongeant après elle,
Et la pressant sur un lit de roseaux,
Je découvris une source nouvelle
De voluptés dans ces antres nouveaux !
Ô voluptés ! délices du bel âge,
Plaisirs, amours, qu’êtes-vous devenus ?
Je crois errer sur des bords inconnus,
Et ne retrouve ici que votre image.
Dans ce bois sombre, en cyprès transformé,
Je n’entends plus qu’un triste et long murmure ;
Ce vallon frais, par les monts renfermé,
N’offre à mes yeux qu’une aride verdure ;
L’oiseau se tait ; l’air est moins parfumé,
Et ce ruisseau roule une onde moins pure :
Tout est changé pour moi dans la nature ;
Tout m’y déplaît : je ne suis plus aimé.
 

Les Amours, 1780

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