Morel, quand quelquefois je perds le temps à lire
Ce que font aujourd’hui nos trafiqueurs d’honneurs,
Je ris de voir ainsi déguiser ces seigneurs,
Desquels (comme l’on dit) ils font comme de cire.
Et qui pourrait, bons dieux ! se contenir de rire
Voyant un corbeau peint de diverses couleurs,
Un pourceau couronné de roses et de fleurs,
Ou le portrait d’un âne accordant une lyre ?
La louange, à qui n’a rien de louable en soi,
Ne sert que de le faire à tous montrer au doigt,
Mais elle est le loyer de cil qui la mérite.
C’est ce qui fait, Morel, que si mal volontiers
Je dis ceux dont le nom fait rougir les papiers,
Et que j’ai si fréquent celui de Marguerite.
Mes deux puissants cerveaux l’un et l’autre aiment lire,
Ce plaisir innocent suffit à leur bonheur ;
Comme les chemins creux plaisent aux randonneurs,
je flâne au long des mots des auteurs que j’admire.
D’entre eux, mes préférés sont ceux qui me font rire,
Ceux dont la palette a de plaisantes couleurs ;
Et qu’importe le Mal, pourvu qu’on ait les Fleurs !
L’ombre devient lumière aux accords d’une lyre.
Ce n’est point pour Rimbaud que sont faites les lois,
Elles épargneront Brassens, ça va de soi ;
Villon ne parle pas en défenseur des rites.
À de tels dissidents je me joins volontiers,
Même sans mériter d’en être l’héritier ;
Pour devenir comme eux, je suis trop sybarite.