Las, où est maintenant ce mépris de fortune ?
Où est ce cœur vainqueur de toute adversité,
Cet honnête désir de l’immortalité,
Et cette honnête flamme au peuple non commune ?
Où sont ces doux plaisirs, qu’au soir sous la nuit brune
Les Muses me donnaient, alors qu’en liberté
Dessus le vert tapis d’un rivage écarté
Je les menais danser aux rayons de la lune ?
Maintenant la fortune est maîtresse de moi,
Et mon cœur, qui soulait être maître de soi,
Est serf de mille maux et regrets qui m’ennuient,
De la postérité je n’ai plus de souci,
Cette divine ardeur, je ne l’ai plus aussi,
Et les Muses de moi, comme étranges, s’enfuient.
Les Regrets, 1558
Commentaire (s)
Déposé par Jadis le 13 août 2019 à 11h19
Las, où est maintenant...
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Las, où est maintenant cette liqueur de prune
Que j’aurais bien juré pourtant avoir planquée
Au fond de mon placard – l’aurait-on confisquée ? –
Ses reflets étaient doux, sa saveur peu commune.
Cette absence insolite est bien inopportune...
Et ne subsiste plus qu’un whisky trafiqué
Dans mon buffet obscur, mystère inexpliqué :
J’en hurle de dépit comme un chien à la lune.
Bah, qu’importe après tout, je m’en contenterai,
Ce tord-boyaux suspect me fera la soirée.
Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse !
Et, regardant couler le liquide malsain
Comme un glauque pissat dans le fond d’un bassin,
Je lève haut mon verre, et me gratte les fesses.