Comme le marinier, que le cruel orage
A longtemps agité dessus la haute mer,
Ayant finalement à force de ramer
Garanti son vaisseau du danger du naufrage,
Regarde sur le port, sans plus craindre la rage
Des vagues ni des vents, les ondes écumer :
Et quelqu’autre bien loin, au danger d’abîmer,
En vain tendre les mains vers le front du rivage :
Ainsi, mon cher Morel, sur le port arrêté,
Tu regardes la mer, et vois en sûreté
De mille tourbillons son onde renversée :
Tu la vois jusqu’au ciel s’élever bien souvent,
Et vois ton Du Bellay à la merci du vent
Assis au gouvernail dans une nef percée.
Tu devrais le savoir, la nef craint les orages,
Le plus sage barreur est contre eux désarmé ;
L’équipage parfois est réduit à ramer
Ou, dans les pires cas, à s’attendre au naufrage.
Mais le grand calme plat nous met aussi en rage,
Tu vois cet océan, nous devons l’écumer ;
Et toi, pendant ce temps, tu te plais à rimer
En admirant la vague et le plaisant rivage.
À ces broutilles, toi, tu veux bien t’arrêter,
Puis avec tes papiers te mettre en sûreté
Aux lieux où la cervoise est à flots déversée ;
Écris donc un peu moins, navigue plus souvent,
Apprends à maîtriser la puissance du vent
Et celle de l’ondine en la vague bercée...