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Poussés d’un beau désir qui notre âme aiguillonne,
Nous mêlons dextrement les myrtes aux lauriers,
Et suivant les drapeaux de Mars et de Bellone
Nous sommes tout ensemble amoureux et guerriers.
L’amour que nous portons à nos belles maîtresses
Invincibles nous rend aux plus sanglants hasards,
Et nous ne faisons moins d’excellentes prouesses
Entre les feux d’amour qu’entre les fers de Mars.
Ainsi Arthus, Mambrin, Palmerin d’Angleterre,
Mandricart, Florisel, et le Sieur de Saint-Flour,
Harassés des travaux aux combats de la guerre
Soulaient trouver repos aux combats de l’amour.
Nous ne ressemblons point à ce fol Don Quichotte
Qui moulins pour géants prenait effarouché,
Vrai est que si les fous portaient tous leur marotte,
Les chapeaux de castor seraient à bon marché.
L’oppressé secourir, venger les belles dames,
Et de monstres affreux repurger l’univers,
Ce sont les points d’honneur dont s’échauffent nos âmes,
Les objets de nos vœux, les sujets de nos vers.
Errants par ces déserts, ces vallons, et ces plaines
Nous vivons plus contents qu’aux louvres des grands rois
Et disants aux rochers nos amoureuses peines
Écho fille de l’air nous répond quelquefois.
Mais jà cent fois Phébus a vu les eaux du Gange,
Et les cristaux glacés du Strimon boréal,
Sans avoir rencontré nulle aventure étrange
Capable d’éprouver notre bras martial.
Dès qu’Amadis fut mort, et la nymphe Oriane
Nul depuis n’a passé l’arc des loyaux amants,
Et dès lors Trébizonde (où commandait Diane)
S’abîmant, abîma tous nos contentements.
Depuis que le lion garde les lys de France
Les renards de Samson relança dans les bois,
Nous avons vu rouiller notre brusque vaillance
Et la nymphe Arachné filer dans nos harnois.
La terre gémissait sous le faix des gens-d’armes,
La sanglante Ényon courait de toutes parts,
Alors qu’un vieux Nestor las de porter les armes
Au giron de Vénus endormit le dieu Mars.
Gérion triple corps allait passer les bornes
Si Cloton n’eût trempé d’aloès son ciseau,
Adonis à bon droit hérita de ses cornes
Puis qu’il l’avait aimé jusque dans le tombeau.
Hymen qui n’a servi qu’à dorer les bossettes
De deux ânes bridés aux murs de Montauban,
Qu’à remplumer Hylas, remeubler ses cassettes,
Et rendre sourcilleux le grand mont du Liban.
Rien n’est ferme ici-bas, tout ce qui est au monde
Est sujet à disgrâce et fondé sur un point,
Aussi le monde est rond, et cette boulle ronde
Toujours roule sans cesse et ne s’arrête point.
Stérope l’enfumé, Urgande la sorcière
Virent en un clin d’œil leurs honneurs abrégés,
Puis quand on eut jeté ces chiens à la rivière,
L’on publia partout qu’ils étaient enragés.
Sus la lance en l’arrêt, soit teinte aujourd’hui l’herbe
Du sang de ce géant qui n’a ni foi ni loi,
Courez après soldats, il s’enfuit le superbe
Où notre ambassadeur s’exempta du tournoi.
Où va cette furie enragement troublée
Un tison d’une main, de l’autre un gant de fer ?
Ah ! Nous la connaissons la folle échevelée,
Six vingts ans sont passés qu’elle sortit d’enfer.
Qui sont ces mirmidons, qui à coups de vessies
Veulent d’un fort royal saper les fondements ?
Quand Zethes et Callais détruiront ces harpies,
Dyomède sera mangé par ses juments.
Que fait au pied d’un roc Andromède laissée
Pour assouvir la faim du dragon marqueté ?
Ne fondra point du ciel quelque vaillant Persée
Qui mette cette vierge en pleine liberté ?
Effroyables rochers dont la cime orgueilleuse
Perce l’opaque sein des nuaux vagabonds,
Ne permettez jamais la race écrouelleuse
Venir mêler sa peste avecques nos charbons.
Ne puissions jamais voir ces tigres d’Hircanie
S’engraisser baudement de nos corps au cercueil,
Ô combien l’on ferait d’excellente mumie,
Si la grand’hydre avait les tripes au soleil.
Où fuyaient ces fendants dans la ville voisine
Quand la biche et le faon firent leur paction ?
Pigeons affarouchés, engeance adultérine,
Fûtes vous onc aux reins d’un généreux lion?
D’une aigle ne peut-être une colombe née,
Les couards n’ont jamais d’assez larges plastrons,
Il faut bien que la mère ait été mâtinée
Qui porta dans ses flancs de si lâches poltrons.
Qui sont ces six amants qui dedans cette prée
Sont couplés deux à deux et bondissent si haut ?
Est-ce point Céladon couché avec Astrée,
Angélique et Médor, Armide et son Renaud ?
Si le beau ténébreux n’eût eu le vent contraire,
Sylvie aurait encor ses quilles et son sac,
Tantale qui jamais n’eut le ciel adversaire
Serait-il bien contraint à porter le bissac ?
Quel temple merveilleux, quels superbes portiques
Dont l’or élaboré rit aux flambeaux des cieux ?
C’est le temple de Delphe, où nos pères antiques,
Apprenaient d’Apollon les saints décrets des dieux.
Combien de carmes grecs aux paroirs de ce temple
Prédisent le futur d’un style prophétic ?
Mais plus le curieux les lit et les contemple,
Moins il en peut goûter le sens énigmatic.
Quoi ? Nos bardes gaulois et nos doctes poètes
Sont-ils pas truchements des grands dieux immortels ?
Écrivons donc ces vers dans nos riches tablettes,
Vers tracés des destins sur le sort des mortels.
Lorsque quatre serpents au tombeau mortuaire
Rendront le noir venin qu’ils vomissaient vivant :
Un grand torrent de feu sortant du sanctuaire
Emportera d’Ablon le grand moulin à vent.
Lorsque les deux lions aux forces indomptées
Par un nœud fraternel leurs puissances joindront,
La Tamise verra mille fuyards Protées,
Et tous les colombiers de Babel tomberont.
Le superbe croissant cachera lors ses cornes,
Jérusalem verra choir ses murs à l’envers,
Et l’empire français n’aura plus d’autres bornes
Que les bornes que Dieu planta pour l’univers.
Babylon savoyarde, et Gomorrhe gasconne,
Sodome poitevine infidèles cités
Humbles adoreront la française couronne
Où le coutre fendra leurs flancs inhabités.
Dessus les fondements de ces villes superbes
L’on verra blondoyer les cheveux de Cérès,
Et le soc défricheur en culbutant les herbes
De la mère Cibèle écorcher les guérets.
Alep, Arger, Damas en jetteront des larmes,
Aux jardins de Memphis croîtront les lys français,
Les corps seront domptés par la force des armes,
Et les esprits vaincus par l’amorce des lois.
Vertu sera montée au zénith de la gloire,
Les vices sous ses pieds seront assujettis,
Et Thémis colloquée en son trône d’ivoire
Inflexible rendra ses oracles gratis.
Ô vénérable temple, ô bienheureux oracles
Que ces mystiques vers nous ravissent les cœurs !
Sera-t-il des lauriers après tant de miracles
Assez pour couronner le front de ces vainqueurs ?
Allez donc braves rois, poursuivez vos victoires,
Le ciel, nature, amour, y fournissent leurs vœux,
Quel destin oserait porter coup à vos gloires
Ayant pour vous amour la nature et les cieux ?
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