Verhaeren

Les Campagnes hallucinées, 1893


Les Plaines


 
Sous la tristesse et l’angoisse des cieux
Les lieues
S’en vont autour des plaines ;
Sous les cieux bas
Dont les nuages traînent
Immensément, les lieues
Se succèdent, là-bas.
 
Droites sur des chaumes, les tours ;
Et des gens las, par tas,
Qui vont de bourg en bourg:
Les gens vaguants
Comme la route, ils ont cent ans ;
Ils vont de plaine en plaine,
Depuis toujours, à travers temps.
Les précèdent ou bien les suivent
Les charrettes dont les convois dérivent
Vers les hameaux et les venelles,
Les charrettes perpétuelles,
Grinçant le lamentable cri,
Le jour, la nuit,
De leurs essieux vers l’infini.
C’est la plaine, la plaine.
Immensément, à perdre haleine.
 
De pauvres clos ourlés de haies
Écartèlent leur sol couvert de plaies ;
De pauvres clos, de pauvres fermes,
Les portes lâches
Et les chaumes, comme des bâches,
Que le vent troue à coups de hache.
Aux alentours, ni trèfle vert, ni luzerne rougie,
Ni lin, ni blé, ni frondaisons, ni germes ;
Depuis longtemps, l’arbre, par la foudre cassé,
Monte, devant le seuil usé,
Comme un malheur en effigie.
 
C’est la plaine, la plaine blême,
Interminablement, toujours la même.
 
Par au-dessus, souvent,
Rage si fort le vent
Que l’on dirait le ciel fendu
Aux coups de boxe
De l’équinoxe.
Novembre hurle, ainsi qu’un loup
Au coin des bois, par le soir fou.
Les ramilles et les feuilles gelées
Passent giflées
Sur les mares, dans les allées ;
Et les grands bras des Christs funèbres,
Aux carrefours, dans les ténèbres,
Semblent grandir et tout à coup partir,
En cris de peur, vers le soleil perdu.
C’est la plaine, la plaine
Où ne vague que crainte et peine.
 
Les rivières stagnent ou sont taries,
Les flots n’arrivent plus jusqu’aux prairies,
Les énormes digues de tourbe,
Inutiles, tracent leur courbe ;
Comme le sol, les eaux sont mortes ;
Parmi les îles, en escortes
Vers la mer, où les anses encor se mirent,
Les haches et les marteaux voraces
Dépècent les carcasses
Lamentables des vieux navires.
 
C’est la plaine, la plaine
Sinistrement, à perdre haleine,
C’est la plaine et sa démence
Que sillonnent des vols immenses
De cormorans criant la mort
À travers l’ombre et la brume des Nords ;
C’est la plaine, la plaine
Mate et longue comme la haine,
La plaine et le pays sans fin
Où le soleil est blanc comme la faim,
Où pourrit aux tournants du fleuve solitaire,
Dans la vase, le cœur antique de la terre.
 

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