Lautréamont(1846-1870) Les Chants de Maldoror(1869) Chant premier +Chant deuxième ×Οù еst-il pаssé се prеmiеr сhаnt dе Μаldоrоr... Jе sаisis lа plumе qui vа соnstruirе lе dеuхièmе сhаnt... Qu’il n’аrrivе pаs lе јоur оù... Fаisаnt mа prоmеnаdе quоtidiеnnе... Сеt еnfаnt, qui еst аssis sur un bаnс du јаrdin dеs Τuilеriеs... Là, dаns un bоsquеt еntоuré dе flеurs, dоrt l’hеrmаphrоditе... Quаnd unе fеmmе, à lа vоiх dе sоprаnо... Ιl ехistе un insесtе quе lеs hоmmеs nоurrissеnt à lеurs frаis... Éсоutеz lеs pеnséеs dе mоn еnfаnсе... Jе сhеrсhаis unе âmе qui mе rеssеmblât... Lа Sеinе еntrаînе un соrps humаin... Chant troisième +Chant quatrième +Chant cinquième +Chant sixième + |
LautréamontLes Chants de Maldoror, 1869
Là, dans un bosquet entouré de fleurs, dort l’hermaphrodite,
profondément assoupi sur le gazon, mouillé de ses pleurs. La lune a
dégagé son disque de la masse des nuages, et caresse avec ses pâles
rayons cette douce figure d’adolescent. Ses traits expriment l’énergie
la plus virile, en même temps que la grâce d’une vierge céleste. Rien ne
paraît naturel en lui, pas même les muscles de son corps, qui se fraient
un passage à travers les contours harmonieux de formes féminines. Il a
le bras recourbé sur le front, l’autre main appuyée contre la poitrine,
comme pour comprimer les battements d’un cœur fermé à toutes les
confidences, et chargé du pesant fardeau d’un secret éternel. Fatigué de
la vie, et honteux de marcher parmi des êtres qui ne lui ressemblent
pas, le désespoir a gagné son âme, et il s’en va seul, comme le mendiant
de la vallée. Comment se procure-t-il les moyens d’existence ? Des âmes
compatissantes veillent de près sur lui, sans qu’il se doute de cette
surveillance, et ne l’abandonnent pas : il est si bon ! il est si résigné !
Volontiers il parle quelquefois avec ceux qui ont le caractère sensible,
sans leur toucher la main, et se tient à distance, dans la crainte d’un
danger imaginaire. Si on lui demande pourquoi il a pris la solitude pour
compagne, ses yeux se lèvent vers le ciel, et retiennent avec peine une
larme de reproche contre la Providence ; mais, il ne répond pas à cette
question imprudente, qui répand, dans la neige de ses paupières, la
rougeur de la rose matinale. Si l’entretien se prolonge, il devient
inquiet, tourne les yeux vers les quatre points de l’horizon, comme pour
chercher à fuir la présence d’un ennemi invisible qui s’approche, fait
de la main un adieu brusque, s’éloigne sur les ailes de sa pudeur en
éveil, et disparaît dans la forêt. On le prend généralement pour un fou.
Un jour, quatre hommes masqués, qui avaient reçu des ordres, se jetèrent
sur lui et le garrottèrent solidement, de manière qu’il ne pût remuer
que les jambes. Le fouet abattit ses rudes lanières sur son dos, et ils
lui dirent qu’il se dirigeât sans délai vers la route qui mène à
Bicêtre. Il se mit à sourire en recevant les coups, et leur parla avec
tant de sentiment, d’intelligence sur beaucoup de sciences humaines
qu’il avait étudiées et qui montraient une grande instruction dans celui
qui n’avait pas encore franchi le seuil de la jeunesse, et sur les
destinées de l’humanité où il dévoila entière la noblesse poétique de
son âme, que ses gardiens, épouvantés jusqu’au sang de l’action qu’ils
avaient commise, délièrent ses membres brisés, se traînèrent à ses
genoux, en demandant un pardon qui fut accordé, et s’éloignèrent, avec
les marques d’une vénération qui ne s’accorde pas ordinairement aux
hommes. Depuis cet événement, dont on parla beaucoup, son secret fut
deviné par chacun, mais on paraît l’ignorer, pour ne pas augmenter ses
souffrances ; et le gouvernement lui accorde une pension honorable, pour
lui faire oublier qu’un instant on voulut l’introduire par force, sans
vérification préalable, dans un hospice d’aliénés. Lui, il emploie la
moitié de son argent ; le reste, il le donne aux pauvres. Quand il voit
un homme et une femme qui se promènent dans quelque allée de platanes,
il sent son corps se fendre en deux de bas en haut, et chaque partie
nouvelle aller étreindre un des promeneurs ; mais, ce n’est qu’une
hallucination, et la raison ne tarde pas à reprendre son empire. C’est
pourquoi il ne mêle sa présence, ni parmi les hommes, ni parmi les
femmes ; car sa pudeur excessive, qui a pris jour dans cette idée qu’il
n’est qu’un monstre, l’empêche d’accorder sa sympathie brûlante à qui
que ce soit. Il croirait se profaner, et il croirait profaner les
autres. Son orgueil lui répète cet axiome : « Que chacun reste dans sa
nature. » Son orgueil, ai-je dit, parce qu’il craint qu’en joignant sa
vie à un homme ou à une femme, on ne lui reproche tôt ou tard, comme une
faute énorme, la conformation de son organisation. Alors, il se retranche
dans son amour-propre, offensé par cette supposition impie qui ne vient
que de lui, et il persévère à rester seul, au milieu des tourments,
et sans consolation. Là, dans un bosquet entouré de fleurs, dort
l’hermaphrodite, profondément assoupi sur le gazon, mouillé de ses pleurs.
Les oiseaux, éveillés, contemplent avec ravissement cette figure
mélancolique, à travers les branches des arbres, et le rossignol ne veut
pas faire entendre ses cavatines de cristal. Le bois est devenu auguste
comme une tombe, par la présence nocturne de l’hermaphrodite infortuné.
Ô voyageur égaré, par ton esprit d’aventure qui t’a fait quitter ton
père et ta mère, dès l’âge le plus tendre ; par les souffrances que la
soif t’a causées, dans le désert ; par ta patrie que tu cherches
peut-être, après avoir longtemps erré, proscrit, dans des contrées
étrangères ; par ton coursier, ton fidèle ami, qui a supporté, avec toi,
l’exil et l’intempérie des climats que te faisait parcourir ton humeur
vagabonde ; par la dignité que donnent à l’homme les voyages sur les
terres lointaines et les mers inexplorées, au milieu des glaçons
polaires, ou sous l’influence d’un soleil torride, ne touche pas avec
ta main, comme avec un frémissement de la brise, ces boucles de cheveux,
répandues sur le sol, et qui se mêlent à l’herbe verte. Écarte-toi de
plusieurs pas, et tu agiras mieux ainsi. Cette chevelure est sacrée ;
c’est l’hermaphrodite lui-même qui l’a voulu. Il ne veut pas que des
lèvres humaines embrassent religieusement ses cheveux, parfumés par le
souffle de la montagne, pas plus que son front, qui resplendit, en cet
instant, comme les étoiles du firmament. Mais, il vaut mieux croire
que c’est une étoile elle-même qui est descendue de son orbite, en
traversant l’espace, sur ce front majestueux, qu’elle entoure avec sa
clarté de diamant, comme d’une auréole. La nuit, écartant du doigt sa
tristesse, se revêt de tous ses charmes pour fêter le sommeil de cette
incarnation de la pudeur, de cette image parfaite de l’innocence des
anges : le bruissement des insectes est moins perceptible. Les branches
penchent sur lui leur élévation touffue, afin de le préserver de la
rosée, et la brise, faisant résonner les cordes de sa harpe mélodieuse,
envoie ses accords joyeux, à travers le silence universel, vers ces
paupières baissées, qui croient assister, immobiles, au concert cadencé
des mondes suspendus. Il rêve qu’il est heureux ; que sa nature
corporelle a changé ; ou que, du moins, il s’est envolé sur un nuage
pourpre, vers une autre sphère, habitée par des êtres de même nature que
lui. Hélas ! que son illusion se prolonge jusqu’au réveil de l’aurore !
Il rêve que les fleurs dansent autour de lui en rond, comme d’immenses
guirlandes folles, et l’imprègnent de leurs parfums suaves, pendant
qu’il chante un hymne d’amour, entre les bras d’un être humain d’une
beauté magique. Mais, ce n’est qu’une vapeur crépusculaire que ses bras
entrelacent ; et, quand il se réveillera, ses bras ne l’entrelaceront
plus. Ne te réveille pas, hermaphrodite ; ne te réveille pas encore, je
t’en supplie. Pourquoi ne veux-tu pas me croire ? Dors... dors toujours.
Que ta poitrine se soulève, en poursuivant l’espoir chimérique du
bonheur, je te le permets ; mais, n’ouvre pas tes yeux. Ah ! n’ouvre pas
tes yeux ! Je veux te quitter ainsi, pour ne pas être témoin de ton
réveil. Peut-être un jour, à l’aide d’un livre volumineux, dans des
pages émues, raconterai-je ton histoire, épouvanté de ce qu’elle
contient, et des enseignements qui s’en dégagent. Jusqu’ici, je ne
l’ai pas pu ; car, chaque fois que je l’ai voulu, d’abondantes larmes
tombaient sur le papier, et mes doigts tremblaient, sans que ce fût de
vieillesse. Mais, je veux avoir à la fin ce courage. Je suis indigné
de n’avoir pas plus de nerfs qu’une femme, et de m’évanouir, comme une
petite fille, chaque fois que je réfléchis à ta grande misère. Dors...
dors toujours ; mais n’ouvre pas tes yeux ! Adieu, hermaphrodite ! Chaque
jour, je ne manquerai pas de prier le ciel pour toi (si c’était pour
moi, je ne le prierais point). Que la paix soit dans ton sein !
|
Mon florilège(Tоuriste) (Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.) Compte lecteurAgoraÉvаluations récеntes☆ ☆ ☆ ☆ ☆Rоnsаrd : Dе l’Élесtiоn dе sоn Sépulсrе Βаudеlаirе : Lеs Ρlаintеs d’un Ιсаrе Βаnvillе : À Αdоlphе Gаïffе Du Ρеrrоn : «Αu bоrd tristеmеnt dоuх dеs еаuх...» Rоnsаrd : Dе l’Élесtiоn dе sоn Sépulсrе Νuуsеmеnt : «Lе vаutоur аffаmé qui du viеil Ρrоméthéе...» Lа Сеppèdе : «Сеpеndаnt lе sоlеil fоurnissаnt sа јоurnéе...» Τоulеt : «Dаns lе silеnсiеuх аutоmnе...» Μussеt : À Αlf. Τ. : «Qu’il еst dоuх d’êtrе аu mоndе, еt quеl biеn quе lа viе !...» Vеrlаinе : «Lа mеr еst plus bеllе...» Jасоb : Lе Dépаrt ☆ ☆ ☆ ☆Lаfоrguе : Lе Sаnglоt univеrsеl Сrоs : Ρituitе Jаmmеs : Lа sаllе à mаngеr Régniеr : Lа Lunе јаunе Rоdеnbасh : «Αllеluiа ! Сlосhеs dе Ρâquеs !...» Lаfоrguе : Соmplаintе d’un аutrе dimаnсhе Vеrlаinе : Lе Dеrniеr Dizаin Cоmmеntaires récеntsDe Сосhоnfuсius sur L’Αbrеuvоir (Αutrаn) De Сосhоnfuсius sur Lе Grаnd Αrbrе (Μérаt) De Сосhоnfuсius sur «Jе vоudrаis êtrе аinsi соmmе un Ρеnthéе...» (Gоdаrd) De Dаmе dе flаmmе sur Vеrlаinе De Сurаrе- sur Sur l’Hélènе dе Gustаvе Μоrеаu (Lаfоrguе) De Dаmе dе flаmmе sur Οisеаuх dе pаssаgе (Riсhеpin) De Сurаrе- sur «Ιl n’еst riеn dе si bеаu соmmе Саlistе еst bеllе...» (Μаlhеrbе) De Xi’аn sur Lе Gigоt (Ρоnсhоn) De Jаdis sur «Lе Sоlеil l’аutrе јоur sе mit еntrе nоus dеuх...» (Rоnsаrd) De Jаdis sur «Qu’еst-се dе vоtrе viе ? unе bоutеillе mоllе...» (Сhаssignеt) De Dаmе dе flаmmе sur À sоn lесtеur : «Lе vоilà сеt аutеur qui sаit pinсеr еt rirе...» (Dubоs) De Yеаts sur Ρаul-Jеаn Τоulеt De Ιо Kаnааn sur «Μаîtrеssе, quаnd је pеnsе аuх trаvеrsеs d’Αmоur...» (Rоnsаrd) De Rоzès sur Μédесins (Siсаud) De Dаmе dе flаmmе sur «Hélаs ! vоiсi lе јоur quе mоn mаîtrе оn еntеrrе...» (Rоnsаrd) De Jаdis sur «J’аdоrе lа bаnliеuе аvес sеs сhаmps еn friсhе...» (Соppéе) De Rоzès sur Lе Сhеmin dе sаblе (Siсаud) De Sеzоr sur «Jе vоudrаis biеn êtrе vеnt quеlquеfоis...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе) De KUΝG Lоuisе sur Villе dе Frаnсе (Régniеr) De Xi’аn sur Jеhаn Riсtus De Xi’аn sur «Épоuvаntаblе Νuit, qui tеs сhеvеuх nоirсis...» (Dеspоrtеs) Plus de commentaires...Ce sitePrésеntаtionCоntactSоutien |