Lautréamont(1846-1870) Les Chants de Maldoror(1869) Chant premier +Chant deuxième +Chant troisième +Chant quatrième +Chant cinquième ×Quе lе lесtеur nе sе fâсhе pаs соntrе mоi... Jе vоуаis, dеvаnt mоi, un оbјеt dеbоut sur un tеrtrе... L’аnéаntissеmеnt intеrmittеnt dеs fасultés humаinеs... Ô pédérаstеs inсоmpréhеnsiblеs... Chant sixième + |
LautréamontLes Chants de Maldoror, 1869
L’anéantissement intermittent des facultés humaines : quoi que votre
pensée penchât à supposer, ce ne sont pas là des mots. Du moins, ce
ne sont pas des mots comme les autres. Qu’il lève la main, celui qui
croirait accomplir un acte juste, en priant quelque bourreau de
l’écorcher vivant. Qu’il redresse la tête, avec la volupté du sourire,
celui qui, volontairement, offrirait sa poitrine aux balles de la mort.
Mes yeux chercheront la marque des cicatrices ; mes dix doigts
concentreront la totalité de leur attention à palper soigneusement la
chair de cet excentrique ; je vérifierai que les éclaboussures de la
cervelle ont rejailli sur le satin de mon front. N’est-ce pas qu’un
homme, amant d’un pareil martyre, ne se trouverait pas dans l’univers
entier ? Je ne connais pas ce que c’est que le rire, c’est vrai, ne
l’ayant jamais éprouvé par moi-même. Cependant, quelle imprudence n’y
aurait-il pas à soutenir que mes lèvres ne s’élargiraient pas, s’il
m’était donné de voir celui qui prétendrait que, quelque part, cet
homme-là existe ? Ce qu’aucun ne souhaiterait pour sa propre existence,
m’a été échu par un lot inégal. Ce n’est pas que mon corps nage dans
le lac de la douleur ; passe alors. Mais, l’esprit se dessèche par une
réflexion condensée et continuellement tendue ; il hurle comme les
grenouilles d’un marécage, quand une troupe de flamants voraces et de
hérons affamés vient s’abattre sur les joncs de ses bords. Heureux celui
qui dort paisiblement dans un lit de plumes, arrachées à la poitrine de
l’eider, sans remarquer qu’il se trahit lui-même. Voilà plus de trente
ans que je n’ai pas encore dormi. Depuis l’imprononçable jour de ma
naissance, j’ai voué aux planches somnifères une haine irréconciliable.
C’est moi qui l’ai voulu ; que nul ne soit accusé. Vite, que l’on se
dépouille du soupçon avorté. Distinguez-vous, sur mon front, cette pâle
couronne ? Celle qui la tressa de ses doigts maigres fut la ténacité.
Tant qu’un reste de sève brûlante coulera dans mes os, comme un torrent
de métal fondu, je ne dormirai point. Chaque nuit, je force mon œil
livide à fixer les étoiles, à travers les carreaux de ma fenêtre. Pour
être plus sûr de moi-même, un éclat de bois sépare mes paupières
gonflées. Lorsque l’aurore apparaît, elle me retrouve dans la même
position, le corps appuyé verticalement, et debout contre le plâtre de
la muraille froide. Cependant, il m’arrive quelquefois de rêver, mais
sans perdre un seul instant le vivace sentiment de ma personnalité et la
libre faculté de me mouvoir : sachez que le cauchemar qui se cache dans
les angles phosphoriques de l’ombre, la fièvre qui palpe mon visage avec
son moignon, chaque animal impur qui dresse sa griffe sanglante, eh
bien, c’est ma volonté qui, pour donner un aliment stable à son activité
perpétuelle, les fait tourner en rond. En effet, atome qui se venge en
son extrême faiblesse, le libre arbitre ne craint pas d’affirmer, avec
une autorité puissante, qu’il ne compte pas l’abrutissement parmi le
nombre de ses fils : celui qui dort, est moins qu’un animal châtré la
veille. Quoique l’insomnie entraîne, vers les profondeurs de la fosse,
ces muscles qui déjà répandent une odeur de cyprès, jamais la blanche
catacombe de mon intelligence n’ouvrira ses sanctuaires aux yeux du
Créateur. Une secrète et noble justice, vers les bras tendus de laquelle
je me lance par instinct, m’ordonne de traquer sans trêve cet ignoble
châtiment. Ennemi redoutable de mon âme imprudente, à l’heure où l’on
allume un falot sur la côte, je défends à mes reins infortunés de se
coucher sur la rosée de gazon. Vainqueur, je repousse les embûches de
l’hypocrite pavot. Il est en conséquence certain que, par cette lutte
étrange, mon cœur a muré ses desseins, affamé qui se mange lui-même.
Impénétrable comme les géants, moi, j’ai vécu sans cesse avec
l’envergure des yeux béante. Au moins, il est avéré que, pendant le
jour, chacun peut opposer une résistance utile contre le Grand Objet
Extérieur (qui ne sait pas son nom ?) ; car, alors, la volonté veille à
sa propre défense avec un remarquable acharnement. Mais aussitôt que le
voile des vapeurs nocturnes s’étend, même sur les condamnés que l’on va
pendre, oh ! voir son intellect entre les sacrilèges mains d’un étranger.
Un implacable scalpel en scrute les broussailles épaisses. La conscience
exhale un long râle de malédiction ; car, le voile de sa pudeur reçoit de
cruelles déchirures. Humiliation ! notre porte est ouverte à la curiosité
farouche du Céleste Bandit. Je n’ai pas mérité ce supplice infâme, toi,
le hideux espion de ma causalité ! Si j’existe, je ne suis pas un autre.
Je n’admets pas en moi cette équivoque pluralité. Je veux résider seul
dans mon intime raisonnement. L’autonomie... ou bien qu’on me change en
hippopotame. Abîme-toi sous terre, ô anonyme stigmate, et ne reparais
plus devant mon indignation hagarde. Ma subjectivité et le Créateur,
c’est trop pour un cerveau. Quand la nuit obscurcit le cours des heures,
quel est celui qui n’a pas combattu contre l’influence du sommeil, dans
sa couche mouillée d’une glaciale sueur ? Ce lit, attirant contre son
sein les facultés mourantes, n’est qu’un tombeau composé de planches de
sapin équarri. La volonté se retire insensiblement, comme en présence
d’une force invisible. Une poix visqueuse épaissit le cristallin des
yeux. Les paupières se recherchent comme deux amis. Le corps n’est plus
qu’un cadavre qui respire. Enfin, quatre énormes pieux clouent sur le
matelas la totalité des membres. Et remarquez, je vous prie, qu’en somme
les draps ne sont que des linceuls. Voici la cassolette où brûle
l’encens des religions. L’éternité mugit, ainsi qu’une mer lointaine,
et s’approche à grands pas. L’appartement a disparu : prosternez-vous,
humains, dans la chapelle ardente ! Quelquefois, s’efforçant inutilement
de vaincre les imperfections de l’organisme, au milieu du sommeil le
plus lourd, le sens magnétisé s’aperçoit avec étonnement qu’il n’est
plus qu’un bloc de sépulture, et raisonne admirablement, appuyé sur une
subtilité incomparable : « Sortir de cette couche est un problème plus
difficile qu’on ne le pense. Assis sur la charrette, l’on m’entraîne
vers la binarité des poteaux de la guillotine. Chose curieuse, mon bras
inerte s’est assimilé savamment la raideur de la souche. C’est très
mauvais de rêver qu’on marche à l’échafaud. » Le sang coule à larges flots
à travers la figure. La poitrine effectue des soubresauts répétés, et se
gonfle à des sifflements. Le poids d’un obélisque étouffe l’expansion de
la rage. Le réel a détruit les rêves de la somnolence ! Qui ne sait pas
que, lorsque la lutte se prolonge entre le moi, plein de fierté, et
l’accroissement terrible de la catalepsie, l’esprit halluciné perd le
jugement ? Rongé par le désespoir, il se complaît dans son mal, jusqu’à
ce qu’il ait vaincu la nature, et que le sommeil, voyant sa proie lui
échapper, s’enfuie sans retour loin de son cœur, d’une aile irritée et
honteuse. Jetez un peu de cendre sur mon orbite en feu. Ne fixez pas mon
œil qui ne se ferme jamais. Comprenez-vous les souffrances que
j’endure (cependant, l’orgueil est satisfait) ? Dès que la nuit exhorte
les humains au repos, un homme, que je connais, marche à grands pas dans
la campagne. Je crains que ma résolution ne succombe aux atteintes de la
vieillesse. Qu’il arrive, ce jour fatal où je m’endormirai ! Au réveil
mon rasoir, se frayant un passage à travers le cou, prouvera que rien
n’était, en effet, plus réel.
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