Hugo

(1802-1885)

L'Art d'être grand-père

(1877)

I — À Guernesey ×
III — La Lune +
IV — Le Poème du Jardin des Plantes +
VII — L’Immaculée Conception +
VIII — Les Griffonnages de l’écolier +
X — Enfants, oiseaux et fleurs +
XV — Laus puero +
XVI — Deux chansons +
 

Hugo

L'Art d'être grand-père, 1877


XII
Un manque


 
Pourquoi donc s’en est-il allé, le doux amour ?
Ils viennent un moment nous faire un peu de jour,
Puis partent. Ces enfants, que nous croyons les nôtres,
Sont à quelqu’un qui n’est pas nous. Mais les deux autres,
Tu ne les vois donc pas, vieillard ? Oui, je les vois,
Tous les deux. Ils sont deux, ils pourraient être trois.
Voici l’heure d’aller se promener dans l’ombre
Des grands bois, pleins d’oiseaux dont Dieu seul sait le nombre
Et qui s’envoleront aussi dans l’inconnu.
Il a son chapeau blanc, elle montre un pied nu,
Tous deux sont côte à côte ; on marche à l’aventure,
Et le ciel brille, et moi je pousse la voiture.
Toute la plaine en fleur a l’air d’un paradis ;
Le lézard court au pied des vieux saules, tandis
Qu’au bout des branches vient chanter le rouge-gorge.
Mademoiselle Jeanne a quinze mois, et George
En a trente ; il la garde ; il est l’homme complet ;
Des filles comme ça font son bonheur ; il est
Dans l’admiration de ces jolis doigts roses,
Leur compare, en disant toutes sortes de choses,
Ses grosses mains à lui qui vont avoir trois ans,
Et rit ; il montre Jeanne en route aux paysans.
Ah dame ! il marche, lui ; cette mioche se traîne ;
Et Jeanne rit de voir Georges rire ; une reine
Sur un trône, c’est là Jeanne dans son panier ;
Elle est belle ; et le chêne en parle au marronnier,
Et l’orme la salue et la montre à l’érable,
Tant sous le ciel profond l’enfance est vénérable.
George a le sentiment de sa grandeur ; il rit
Mais il protège, et Jeanne a foi dans son esprit ;
Georges surveille avec un air farouche
Cette enfant qui parfois met un doigt dans sa bouche ;
Les sentiers sont confus et nous nous embrouillons.
Comme tout le bois sombre est plein de papillons,
Courons, dit George. Il veut descendre. Jeanne est gaie.
Avec eux je chancelle, avec eux je bégaie.
Oh ! l’adorable joie, et comme ils sont charmants !
Quel hymne auguste au fond de leurs gazouillements !
Jeanne voudrait avoir tous les oiseaux qui passent ;
Georges vide un pantin dont les ressorts se cassent,
Et médite ; et tous deux jasent ; leurs cris joyeux
Semblent faire partout dans l’ombre ouvrir des yeux ;
Georges, tout en mangeant des nèfles et des pommes,
M’apporte son jouet ; moi qui connais les hommes
Mieux que George, et qui sait les secrets du destin,
Je raccommode avec un fil son vieux pantin.
Mon Georges, ne va pas dans l’herbe ; elle est trempée.
Et le vent berce l’arbre, et Jeanne sa poupée.
On sent Dieu dans ce bois pensif dont la douceur
Se mêle à la gaîté du frère et de la sœur ;
Nous obéissons, Jeanne et moi, Georges commande ;
La nourrice leur chante une chanson normande,
De celles qu’on entend le soir sur les chemins,
Et Georges bat du pied, et Jeanne bat des mains ;
Et je m’épanouis à leurs divins vacarmes,
Je ris ; mais vous voyez sous mon rire mes larmes,
Vieux arbres, n’est-ce pas ? et vous n’avez pas cru
Que j’oublierai jamais le petit disparu.
 

Commentaire (s)
Votre commentaire :
Nom : *
eMail : * *
Site Web :
Commentaire * :
pèRE des miséRablEs : *
* Information requise.   * Cette adresse ne sera pas publiée.
 


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Hugо : Lа Légеndе dе lа Νоnnе

Drеlinсоurt : Sur l’Εnfеr

Τоulеt : «Се n’еst pаs drôlе dе mоurir...»

Αpоllinаirе : Lе Сhаt

Τоulеt : «Μоn âmе pаisiblе étаit pаrеillе аutrеfоis...»

Hugо : «Εllе étаit déсhаusséе, еllе étаit déсоifféе...»

Τоulеt : «Τоutе аllégrеssе а sоn défаut...»

Vаlérу : Сhаnsоn à pаrt

Сhéniеr : «Ô Μusеs, ассоurеz ; sоlitаirеs divinеs...»

Αubigné : Соntrе lа présеnсе réеllе

☆ ☆ ☆ ☆

Rimbаud : Lе Μаl

Gоudеаu : Lеs Fоus

Du Βеllау : «Εspérеz-vоus quе lа pоstérité...»

Évаnturеl : Sоuvеnir

Rоllinаt : Lе Сhаssеur еn sоutаnе

Dеrèmе : «Μоn еspérаnсе étаit tоmbéе...»

Ρоnсhоn : Rоndеl : «Αh ! lа prоmеnаdе ехquisе...»

Ρоnсhоn : Сhаnsоn : «Lе јоli vin dе mоn аmi...»

Μussеt : Соnsеils à unе Ρаrisiеnnе

Vаlérу : Сhаnsоn à pаrt

Cоmmеntaires récеnts

De Сосhоnfuсius sur Lа Μоrt dе l’Αiglе (Hеrеdiа)

De Сосhоnfuсius sur Sur l’Εnfеr (Drеlinсоurt)

De Сосhоnfuсius sur Οrdrе аu sоlеil (Sеgаlеn)

De Сhristiаn sur Сrépusсulе dе dimаnсhе d’été (Lаfоrguе)

De Сurаrе- sur L’Ιndifférеnt (Sаmаin)

De Τhundеrbird sur Αgnus Dеi (Vеrlаinе)

De Сurаrе- sur À сеllеs qui plеurеnt (Dеsbоrdеs-Vаlmоrе)

De Сurаrе- sur Lа Ρаssаntе (Νеlligаn)

De Сhristiаn sur «Lе сhеmin qui mènе аuх étоilеs...» (Αpоllinаirе)

De Ιо Kаnааn sur Jоуаu mémоriаl (Sеgаlеn)

De Lilith sur «Се fut un Vеndrеdi quе ј’аpеrçus lеs Diеuх...» (Νuуsеmеnt)

De Сurаrе_ sur Lе Dоnјоn (Rоllinаt)

De Сhristiаn sur Lе Μusiсiеn dе Sаint-Μеrrу (Αpоllinаirе)

De Ιо Kаnааn sur «Αh trаîtrе Αmоur, dоnnе-mоi pаiх оu trêvе...» (Rоnsаrd)

De Jаdis sur Lе Dоrmеur du vаl (Rimbаud)

De Αlаin sur Lа Сhаpеllе аbаndоnnéе (Fоrt)

De Βеrgаud Α sur Lеs Gеnêts (Fаbié)

De Jаdis sur Lе Rоi dе Τhulé (Νеrvаl)

De Jаdis sur «Τоut n’еst plеin iсi-bаs quе dе vаinе аppаrеnсе...» (Vаlléе dеs Βаrrеаuх)

De Jеаn Luс ΡRΟFFΙΤ sur Ρrièrе dе соnfidеnсе (Ρéguу)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе