Paul Claudel

Connaissance de l'Est, 1907


Religion du signe

Que d’autres découvrent dans la rangée des caractères chinois, ou une tête de mouton, ou des mains, les jambes d’un homme, le soleil qui se lève derrière un arbre. J’y poursuis pour ma part un lacs plus inextricable.

Toute écriture commence par le trait ou ligne, qui, un, dans sa continuité, est le signe pur de l’individu. Ou donc la ligne est horizontale, comme toute chose qui dans le seul parallélisme à son principe trouve une raison d’être suffisante ; ou, verticale comme l’arbre et l’homme, elle indique l’acte et pose l’affirmation ; ou, oblique, elle marque le mouvement et le sens.

La lettre romaine a eu pour principe la ligne verticale ; le caractère chinois paraît avoir l’horizontale comme trait essentiel. La lettre d’un impérieux jambage affirme que la chose est telle ; le caractère est la chose tout entière qu’il signifie.

L’une et l’autre sont également des signes ; qu’on prenne, par exemple, les chiffres, l’une et l’autre en sont également les images abstraites. Mais la lettre est par essence analytique : tout mot qu’elle constitue est une énonciation successive d’affirmations que l’œil et la voix épellent ; à l’unité elle ajoute sur une même ligne l’unité, et le vocable précaire dans une continuelle variation se fait et se modifie. Le signe chinois développe, pour ainsi dire, le chiffre ; et, l’appliquant à la série des êtres, il en différencie indéfiniment le caractère. Le mot existe par la succession des lettres, le caractère par la proportion des traits. Et ne peut-on rêver que dans celui-ci la ligne horizontale indique, par exemple, l’espèce, la verticale, l’individu, les obliques dans leurs mouvements divers l’ensemble des propriétés et des énergies qui donnent au tout son sens, le point, suspendu dans le blanc, quelque rapport qu’il ne convient que de sous-entendre ? On peut donc voir dans le caractère chinois un être schématique, une personne scripturale, ayant, comme un être qui vit, sa nature et ses modalités, son action propre et sa vertu intime, sa structure et sa physionomie.

Par là s’explique cette piété des Chinois à l’écriture ; on incinère avec respect le plus humble papier que marque le mystérieux vestige. Le signe est un être, et, de ce fait qu’il est général, il devient sacré. La représentation de l’idée en est ici, en quelque sorte, l’idole. Telle est la base de cette religion scripturale qui est particulière à la Chine. Hier j’ai visité un temple Confucianiste.

Il se trouve dans un quartier solitaire où tout sent la désertion et la chute. Dans le silence et les solennelles ardeurs du soleil de trois heures, nous suivons la rue sinueuse. Notre entrée ne sera point par la grande porte dont les vantaux ont pourri dans leur fermeture : que la haute stèle marquée de l’officielle inscription bilingue garde le seuil âgé ! Une femme courte, râblée comme un cochon, nous ouvre des passages latéraux et d’un pied qui sonne nous pénétrons dans l’enclos désert.

Par les proportions de sa cour et des péristyles qui l’encadrent, par les larges entrecolonnements et les lignes horizontales de sa façade, par la répétition de ses deux énormes toits, qui d’un mouvement un relèvent ensemble leur noire et puissante volute, par la disposition symétrique des deux petits pavillons qui le précèdent et qui au sévère ensemble ajoutent l’agrément grotesque de leurs chapeaux octogones, l’édifice, appliquant les seules lois essentielles de l’architecture, a l’aspect savant de l’évidence, la beauté, pour tout dire, classique, due à une observation exquise de la règle.

Le temple se compose de deux parties. Je suppose que les allées hypœthrales avec la rangée des tablettes, chacune précédée de l’étroit et long autel de pierre, qui en occupent la paroi, offrent à une révérence rapide la série extérieure des préceptes. Mais levant le pied pour franchir le seuil barré au pas, nous pénétrons dans l’ombre du sanctuaire.


[...]

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