Aloysius Bertrand

(1807-1841)

Gaspard de la nuit

(1842)

Gаspаrd dе lа Νuit

Ρréfасе

À Μ. Viсtоr Hugо

Les Fantaisies de Gaspard de la Nuit ×
Pièces détachées +
 

Aloysius Bertrand

Gaspard de la nuit, 1842


Le Deuxième Homme


 

Et nunc, Domine, tolle quæso, animam meam a me, quia melior est mihi mors quam vita.
JONAS, cap. IV, v. 3.


   
J’en jure par la mort, dans un monde pareil,
Non, je ne voudrais pas rajeunir d’un soleil.
  ALPH. DE LAMARTINE. — Méditations.

Enfer ! — Enfer et paradis ! — cris de désespoir ! cris de joie ! — blasphèmes des réprouvés ! concerts des élus ! — âmes des morts, semblables aux chênes de la montagne déracinés par les démons ! âmes des morts, semblables aux fleurs de la vallée cueillies par les anges !

 

*

 

Soleil, firmament, terre et homme, tout avait commencé, tout avait fini. Une voix secoua le néant. « Soleil ? appela cette voix, du seuil de la radieuse Jérusalem. — Soleil ? répétèrent les échos de l’inconsolable Josaphat. » — Et le soleil ouvrit ses cils d’or sur le chaos des mondes.

 

Mais le firmament pendait comme un lambeau d’étendard. « Firmament ? appela cette voix, du seuil de la radieuse Jérusalem. — Firmament ? répétèrent les échos de l’inconsolable Josaphat. » Et le firmament déroula aux vents ses plis de pourpre et d’azur.

 

Mais la terre voguait à la dérive, comme un navire foudroyé qui ne porte dans ses flancs que des cendres et des ossements. « Terre ? appela cette voix, du seuil de la radieuse Jérusalem. — Terre ? répétèrent les échos de l’inconsolable Josaphat. » — Et la terre ayant jeté l’ancre, la nature s’assit, couronnée de fleurs, sous le porche des montagnes aux cent mille colonnes.

 

Mais l’homme manquait à la création, et tristes étaient la terre et la nature, l’une de l’absence de son roi, l’autre de l’absence de son époux. « Homme ? appela cette voix, du seuil de la radieuse Jérusalem. — Homme ? répétèrent les échos de l’inconsolable Josaphat. » Et l’hymne de délivrance et de grâces ne brisa point le sceau dont la mort avait plombé les lèvres de l’homme endormi pour l’éternité dans le lit du sépulcre.

 

« Ainsi soit-il ! dit cette voix, et le seuil de la radieuse Jérusalem se voila de deux sombres ailes. — Ainsi soit-il ! répétèrent les échos, et l’inconsolable Josaphat se remit à pleurer. » — Et la trompette de l’archange sonna d’abîme en abîme, tandis que tout croulait avec un fracas et une ruine immense : le firmament, la terre et le soleil, faute de l’homme, cette pierre angulaire de la création.

 


Commentaire (s)
Déposé par Cochonfucius le 20 janvier 2022 à 12h34

Seconde vie du vieux porc
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Partir à la retraite était la fin d’une ère,
J’avais le sentiment qu’il ne me restait rien,
Sinon des souvenirs, devenant aériens,
Ainsi que des lueurs, ou des songes lunaires.

Sous le soleil je pris un repos salutaire,
Puis je déménageai, labeur de galérien ;
Tout fut transbahuté par deux ou trois vauriens,
Je fus en route alors, mais non pas pour Cythère.

Un autre firmament, un tout autre jardin,
Une autre tavernière au langage badin ;
Ainsi, très doucement, ma vie se renouvelle.

Et l’homme que je fus, que fait-il, est-il mort ?
La chose ne saurait me causer nul remords,
Ni non plus tourmenter ma placide cervelle.

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