Antoine de Bertin

(1752-1790)

Les Amours

(1780)

Livre 1 +
Livre 2 +
Livre 3 ×
 

Antoine de Bertin

Les Amours, 1780


La Moisson


 
Ma maîtresse retourne à sa maison des champs.
Quel cœur barbare et dur peut rester à la ville ?
Fuyons ; dérobons-nous à sa pompe servile,
À ses frivolités, à ses discours méchants.
Loin des remparts poudreux qu’arrose en vain la Seine,
Courons des fruits vermeils admirer les couleurs,
Et, sous le frais abri des forêts de Vincenne,
Du Lion dévorant éviter les chaleurs.
Viens, l’autel est paré ; viens, la victime est prête ;
Descends du haut des cieux, bienfaisante Cérès ;
Prends ta faucille en main, et couronne ta tête
De bluets et d’épis, trésors de tes guérets.
Ô mes Lares, ce jour doit être un jour de fête ;
Des plus riants festons j’ornerai vos portraits.
Écartez loin de nous et la pluie et l’orage ;
D’un jour tranquille et pur éclairez nos moissons.
Voyez-vous ces vieillards, ces filles, ces garçons,
Tout un peuple courbé qui s’empresse à l’ouvrage,
Et détonne gaiement de rustiques chansons ?
Ils vont de rang en rang : sous leur main diligente
Déjà ces longs tuyaux, d’énormes grains chargés,
Tombent sur les sillons, en faisceaux partagés.
Le van chasse dans l’air une paille indigente ;
La terre au loin gémit sous l’effort des batteurs.
Vers le soir, au château la troupe cantonnée
Se délasse en riant du poids de la journée,
Et le plaisir succède à ces soins enchanteurs.
Amis, qu’attendez-vous ? Mêlons-nous à la danse
De ces pâtres joyeux, folâtrant sous l’ormeau :
Le flageolet aigu marque assez la cadence ;
Conduisons tour-à-tour les belles du hameau.
Qu’on tire cent flacons de la glace pilée ;
Versez-moi d’un vin frais qui ternit le cristal :
Je ne rougirai point, ce soir, dans la vallée
De vous suivre en tremblant et d’un pas inégal :
Tout sied à ce beau jour. Buvons à Catilie ;
Buvons à Nivernais ; buvons à Maillebois.
Et vous, soutien du trône, espoir de la patrie,
Mon protecteur, mon maître, auguste fils des rois,
Encouragez ma muse, et soutenez ma voix.
Je chante les jardins, et le dieu des campagnes,
Pan, qui jadis enfla des roseaux sous ses doigts,
Et, modulant des airs au penchant des montagnes,
Rassembla les mortels dispersés dans les bois.
C’est lui qui, le premier, au gland tombé des chênes
Fit succéder l’olive et les dons des vergers.
La feuille alors couvrit l’asile des bergers,
Et le sol altéré but les sources prochaines.
Alors on maria la vigne au peuplier ;
Sous les pressoirs rougis des flots de vin coulèrent ;
Le taureau sous le joug apprit à se plier,
Et sur un double essieu les chars pesants roulèrent.
Qui n’aimerait les champs ? Aux champs règne la paix ;
On y trouve un ciel pur, des ombrages épais ;
De moissons dans l’été, de fruits mûrs dans l’automne,
De bouquets au printemps l’humble pré se couronne.
Les vrais plaisirs aux champs ont fixé leur séjour :
On y craint plus les Dieux ; on y fait mieux l’amour.
L’amour même, entouré de coursiers indociles,
De troupeaux mugissants, dans un bocage est né.
De myrte et de jasmin son berceau fut orné.
Le pressant dans leurs bras, les nymphes trop faciles
N’osaient point corriger un enfant obstiné,
Qui déjà nuit et jour s’abreuvait de ses larmes.
C’est là qu’en grandissant il essaya ses armes.
Ses premiers traits, dit-on, se perdaient au hasard ;
Son arc et son carquois accablaient sa faiblesse.
Ciel, qu’amour a depuis profité dans cet art !
Je l’ai bien éprouvé. Malheur à ceux qu’il blesse !
Malheur même aux amants qu’il daignerait flatter !
C’est quand l’amour sourit qu’il est à redouter.
N’importe ! saisissons ses faveurs passagères ;
Hâtons-nous de jouir ; caressons nos bergères ;
Livrons-nous à leur foi, mais sans trop y compter.
 

Commentaire (s)
Votre commentaire :
Nom : *
eMail : * *
Site Web :
Commentaire * :
pèRE des miséRablEs : *
* Information requise.   * Cette adresse ne sera pas publiée.
 


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Βruаnt : Соnаssе

Dеsbоrdеs-Vаlmоrе : «J’étаis à tоi pеut-êtrе аvаnt dе t’аvоir vu...»

Сrоs : Lеntо

Сосtеаu : Ρаuvrе Jеаn

Сосtеаu : Ρаuvrе Jеаn

Βаudеlаirе : Βiеn lоin d’iсi

Сrоs : Ιnsоumissiоn

Νоаillеs : L’Εmprеintе

Viviеn : Viоlеttеs blаnсhеs

Du Βеllау : «Si mеs éсrits, Rоnsаrd, sоnt sеmés dе tоn lоs...»

☆ ☆ ☆ ☆

Сrоs : Sоnnеt métаphуsiquе

Rimbаud : Ρrеmièrе Sоiréе

Сrоs : Sоnnеt métаphуsiquе

Hugо : «Hеurеuх l’hоmmе, оссupé dе l’étеrnеl dеstin...»

Сhаpmаn : Αu fоnd du bоis

Viаu : «Hеurеuх, tаndis qu’il еst vivаnt...»

Νоuvеаu : Fillе dе fеrmе

Rilkе : «Сhеmins qui nе mènеnt nullе pаrt...»

Cоmmеntaires récеnts

De Сосhоnfuсius sur «Τhiаrd, qui аs сhаngé еn plus grаvе éсriturе...» (Du Βеllау)

De Сосhоnfuсius sur L’Αbsinthе (Ρоnсhоn)

De Сосhоnfuсius sur L’Εnfеr (Αpоllinаirе)

De Jаdis sur Sоnnеt d’Αutоmnе (Βаudеlаirе)

De Jаdis sur Αu fоnd du bоis (Сhаpmаn)

De Сhristiаn sur «J’еntrаis сhеz lе mаrсhаnd dе mеublеs, еt là, tristе...» (Νоuvеаu)

De Jаdis sur «Βоnnе аnnéе à tоutеs lеs сhоsеs...» (Gérаrd)

De Сurаrе- sur Rесuеillеmеnt (Βаudеlаirе)

De Сurаrе- sur «Сеpеndаnt qu’аu pаlаis dе prосès tu dеvisеs...» (Du Βеllау)

De Сurаrе_ sur Sоnnеt : «Quаnd је rеpоsеrаi dаns lа fоssе, trаnquillе...» (Gоudеаu)

De Сurаrе_ sur Lе Τоmbеаu dе Сhаrlеs Βаudеlаirе (Μаllаrmé)

De Vinсеnt sur Τоmbеаu du Ρоètе (Dеubеl)

De Xi’аn sur «Μоn âmе pаisiblе étаit pаrеillе аutrеfоis...» (Τоulеt)

De Lа Μusеrаntе sur Соntrе Ligurinus : «Τоut lе mоndе tе fuit...» (Dubоs)

De Vinсеnt sur «Un sоir, lе lоng dе l’еаu, еllе mаrсhаit pеnsivе...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе)

De Xi’аn sur Lе Суgnе (Rеnаrd)

De Сurаrе- sur «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...» (Vеrlаinе)

De Ρоéliсiеr sur «Αmоurs јumеаuх, d’unе flаmmе јumеllе...» (Ρаssеrаt)

De Lеbrun sur «Jе rêvе, tаnt Ρаris m’еst pаrfоis un еnfеr...» (Соppéе)

De Rоzès sur Lе Сinémа (Siсаud)

De GΟUUΑUX sur «J’étаis à tоi pеut-êtrе аvаnt dе t’аvоir vu...» (Dеsbоrdеs-Vаlmоrе)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе