Antoine de Bertin

(1752-1790)

Les Amours

(1780)

Livre 1 ×
Livre 2 +
Livre 3 +
 

Antoine de Bertin

Les Amours, 1780


L’Absence


 
L’astre brillant des nuits a fini sa carrière.
Je n’entends plus de chars ni de sourdes clameurs ;
Le calme règne au loin dans la nature entière ;
Tout dort ; le jaloux même a fermé sa paupière :
Et moi, je veille ; et moi, je verse encor des pleurs.
Voici l’heure paisible où l’esclave fidèle
Au chevet d’Eucharis me guidait par la main ;
Voici l’heure où, trompant un époux inhumain,
J’entrouvrais ses rideaux, et me glissais près d’elle.
En y songeant encore, immobile et tremblant
J’écoute : un rien accroît ma frayeur attentive ;
Et, pressant dans mes bras un oreiller brûlant,
Je crois encor presser mon amante craintive.
Fantômes amoureux, pourquoi me trompez-vous ?
Eucharis est absente, Eucharis m’est ravie ;
Eucharis, loin de moi, vers un ciel en courroux
Lève un front suppliant, et déteste la vie.
On dit qu’en s’éloignant, ses yeux pleins de langueur
Redemandaient aux Dieux l’objet de sa tendresse.
Périsse le premier dont l’injuste rigueur
A séparé l’amant de sa jeune maîtresse !
L’onde caresse en paix ses rivages chéris ;
Le lierre croît et meurt sur l’écorce du chêne ;
L’ormeau ne quitte point la vigne qui l’enchaîne :
Pourquoi faut-il toujours qu’on m’enlève Eucharis ?
Cher et cruel objet de plaisirs et d’alarmes,
Toi, qu’un père autrefois me défendit d’aimer,
Rappelle-toi combien tu m’as coûté de larmes !
Ah ! garde-moi ton cœur ; conserve-moi ces charmes
Que l’amour pour moi seul se plaisait à former,
Et qu’un barbare, hélas ! retient en sa puissance.
L’art d’écrire est, dit-on, l’art de tromper l’absence.
Écris-moi : tu le peux à la faveur des nuits.
Peins-moi ton désespoir et tes mortels ennuis.
Par le plus tendre amour que tes lignes tracées
Arrêtent mes regards, de tes pleurs effacées.
Crains d’oublier, surtout, en pliant le feuillet,
Ce cercle ingénieux qu’inventa ma tendresse,
Ce cercle où mille fois ta bouche enchanteresse
Déposa des baisers, qu’avec bien plus d’adresse,
Tout entiers, loin de toi, la mienne recueillait.
Un jour, peut-être, un jour, ô ma tant douce amie !
Quand la fidèle Oenone ouvrira tes volets,
Et qu’un songe amoureux, te présentant mes traits,
Fera couler l’espoir dans ton âme attendrie,
J’entrerai tout d’un coup sans me faire annoncer ;
Je paraîtrai tomber du céleste empyrée.
Du lit alors, pieds nus, légère à t’élancer,
Si, les cheveux épars, incertaine, égarée,
Tu cours, les bras tendus, à mon cou t’enlacer,
Mes vers du monde entier t’assurent les hommages ;
Vénus aura perdu ses honneurs immortels ;
Et les amants en foule, embrassant tes autels,
De lilas et de fleurs orneront tes images.
 

Commentaire (s)
Votre commentaire :
Nom : *
eMail : * *
Site Web :
Commentaire * :
pèRE des miséRablEs : *
* Information requise.   * Cette adresse ne sera pas publiée.
 


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Drеlinсоurt : Sur l’Εnfеr

Τоulеt : «Се n’еst pаs drôlе dе mоurir...»

Αpоllinаirе : Lе Сhаt

Τоulеt : «Μоn âmе pаisiblе étаit pаrеillе аutrеfоis...»

Hugо : «Εllе étаit déсhаusséе, еllе étаit déсоifféе...»

Τоulеt : «Τоutе аllégrеssе а sоn défаut...»

Vаlérу : Сhаnsоn à pаrt

Сhéniеr : «Ô Μusеs, ассоurеz ; sоlitаirеs divinеs...»

Αubigné : Соntrе lа présеnсе réеllе

Régniеr : Εn fоrêt

Riсhеpin : Lе Сhеmin сrеuх

Ρirоn : Οdе à Ρriаpе

☆ ☆ ☆ ☆

Du Βеllау : «Εspérеz-vоus quе lа pоstérité...»

Évаnturеl : Sоuvеnir

Rоllinаt : Lе Сhаssеur еn sоutаnе

Dеrèmе : «Μоn еspérаnсе étаit tоmbéе...»

Ρоnсhоn : Rоndеl : «Αh ! lа prоmеnаdе ехquisе...»

Ρоnсhоn : Сhаnsоn : «Lе јоli vin dе mоn аmi...»

Μussеt : Соnsеils à unе Ρаrisiеnnе

Vаlérу : Сhаnsоn à pаrt

Gill : Déménаgеmеnt

Αubigné : «Sоupirs épаrs, sаnglоts еn l’аir pеrdus...»

Cоmmеntaires récеnts

De Сосhоnfuсius sur Sur l’Εnfеr (Drеlinсоurt)

De Сосhоnfuсius sur Οrdrе аu sоlеil (Sеgаlеn)

De Сосhоnfuсius sur Εхpliсаtiоn (Vеrlаinе)

De Сhristiаn sur Сrépusсulе dе dimаnсhе d’été (Lаfоrguе)

De Сurаrе- sur L’Ιndifférеnt (Sаmаin)

De Τhundеrbird sur Αgnus Dеi (Vеrlаinе)

De Сurаrе- sur À сеllеs qui plеurеnt (Dеsbоrdеs-Vаlmоrе)

De Сurаrе- sur Lа Ρаssаntе (Νеlligаn)

De Сhristiаn sur «Lе сhеmin qui mènе аuх étоilеs...» (Αpоllinаirе)

De Ιо Kаnааn sur Jоуаu mémоriаl (Sеgаlеn)

De Lilith sur «Се fut un Vеndrеdi quе ј’аpеrçus lеs Diеuх...» (Νuуsеmеnt)

De Сurаrе_ sur Lе Dоnјоn (Rоllinаt)

De Сhristiаn sur Lе Μusiсiеn dе Sаint-Μеrrу (Αpоllinаirе)

De Ιо Kаnааn sur «Αh trаîtrе Αmоur, dоnnе-mоi pаiх оu trêvе...» (Rоnsаrd)

De Jаdis sur Lе Dоrmеur du vаl (Rimbаud)

De Αlаin sur Lа Сhаpеllе аbаndоnnéе (Fоrt)

De Βеrgаud Α sur Lеs Gеnêts (Fаbié)

De Jаdis sur Lе Rоi dе Τhulé (Νеrvаl)

De Jаdis sur «Τоut n’еst plеin iсi-bаs quе dе vаinе аppаrеnсе...» (Vаlléе dеs Βаrrеаuх)

De Jеаn Luс ΡRΟFFΙΤ sur Ρrièrе dе соnfidеnсе (Ρéguу)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе