Vivons, Gordes, vivons, vivons, et pour le bruit
Des vieillards ne laissons à faire bonne chère :
Vivons, puisque la vie est si courte et si chère,
Et que même les rois n’en ont que l’usufruit.
Le jour s’éteint au soir, et au matin reluit,
Et les saisons refont leur course coutumière :
Mais quand l’homme a perdu cette douce lumière,
La mort lui fait dormir une éternelle nuit.
Donc imiterons-nous le vivre d’une bête ?
Non, mais devers le ciel levant toujours la tête,
Goûterons quelquefois la douceur du plaisir.
Celui vraiment est fol, qui changeant l’assurance
Du bien qui est présent en douteuse espérance,
Veut toujours contredire à son propre désir.
Le paresseux géant vide un verre, sans bruit,
Et la vie, tout d’un coup, lui devient moins amère ;
La bouteille en son coeur éveille des chimères
Que charme la saveur du bon alcool de fruits.
Il arbore un sourire, et, dans son oeil qui luit,
Nous voyons resplendir l’ivresse coutumière :
L’animal que nourrit cette douce lumière
Accepte les bonheurs du jour et de la nuit.
Donc imiterons-nous le repos de la bête ?
Oui, c’est un peu l’idée que nous avions en tête,
Goûtant paisiblement cet innocent plaisir.
Paresseux en boisson peut trouver assurance,
Dont la composition est de bonne espérance ;
Il ne veut contredire à son propre désir.