Si pour avoir passé sans crime sa jeunesse,
Si pour n’avoir d’usure enrichi sa maison,
Si pour n’avoir commis homicide ou traïson,
Si pour n’avoir usé de mauvaise finesse,
Si pour n’avoir jamais violé sa promesse,
On se doit réjouir en l’arrière-saison,
Je dois à l’avenir, si j’ai quelque raison,
D’un grand contentement consoler ma vieillesse.
Je me console donc en mon adversité,
Ne requérant aux dieux plus grand’ félicité
Que de pouvoir durer en cette patience.
Ô dieux, si vous avez quelque souci de nous,
Octroyez-moi ce don, que j’espère de vous,
Et pour votre pitié et pour mon innocence.
Le cochon, semble-t-il, a perdu sa jeunesse,
Mais qu’importe, il réside en son humble maison
Qu’orne un jardin de ville aux belles frondaisons ;
Son âme s’y revêt d’une douce finesse.
Car du destin, jamais il ne crut les promesses ;
Et puis, qu’en ferait-il en sa froide saison ?
Il entre, sur le tard, dans l’âge de raison,
Son coeur se complaisant en sa digne vieillesse.
Son oeuvre se bâtit ainsi, par petits bouts,
Avec nul éditeur il n’a de rendez-vous,
Mais, au fil des longs jours, il gagne en innocence
Peut-être est-ce la fin de toute adversité,
L’épanouissement de la félicité,
La découverte, enfin, de l’art de patience.