Quand cette belle fleur premièrement je vi,
Qui notre âge de fer de ses vertus redore,
Bien que sa grand’ valeur je ne connusse encore,
Si fus-je en la voyant de merveille ravi.
Depuis, ayant le cours de fortune suivi,
Où le Tibre tortu de jaune se colore,
Et voyant ces grands dieux, que l’ignorance adore,
Ignorants, vicieux et méchants à l’envi :
Alors, Forget, alors cette erreur ancienne,
Qui n’avait bien connu ta princesse et la mienne,
La venant à revoir, se dessilla les yeux :
Alors je m’aperçus qu’ignorant son mérite
J’avais, sans la connaître, admiré Marguerite,
Comme, sans les connaître, on admire les cieux.
Un désert sablonneux autour de moi je vis, Qu’un soleil éclatant de ses trente rais dore ; Ne sachant quels ennuis j’allais subir encore, J’étais dubitatif, et pas vraiment ravi.
En ces lieux écartés, nul ne m’avait suivi, Sauf un lion familier qui d’azur se colore ; De gueules son comparse (un émail que j’adore) Avait aussi rejoint ce coin mal desservi.
Nous étions égarés, nous manquions de breuvage, Nous ne pouvions trouver le plus petit ombrage ; Mais un jeune garçon apparut sous nos yeux,
Qui voulait un mouton (ou du moins, son image). Là, mon rêve a pris fin, dissipant le mirage ; Mais combien j’aimerais retrouver de tels cieux !