Je n’écris point d’amour, n’étant point amoureux,
Je n’écris de beauté, n’ayant belle maîtresse,
Je n’écris de douceur, n’éprouvant que rudesse,
Je n’écris de plaisir, me trouvant douloureux :
Je n’écris de bonheur, me trouvant malheureux
Je n’écris de faveur, ne voyant ma princesse,
Je n’écris de trésors, n’ayant point de richesse,
Je n’écris de santé, me sentant langoureux :
Je n’écris de la Cour, étant loin de mon prince,
Je n’écris de la France, en étrange province,
Je n’écris de l’honneur, n’en voyant point ici :
Je n’écris d’amitié, ne trouvant que feintise,
Je n’écris de vertu, n’en trouvant point aussi,
Je n’écris de savoir, entre les gens d’Église.
Le jardin et la croix, la plume et l’encrier,
La salle et le comptoir, les grands auteurs de France :
De ces quatre propos mon vers tire substance,
Dans ces quatre sections, mes sonnets sont triés.
Le jardin est celui qui vit Adam prier,
La plume au fil des jours me conduit en errance,
La salle est au conteur dans son exubérance,
Les auteurs vont cherchant les mots appropriés.
Tu dis que j’ai produit quelques vers déchirants
Que l’on doit regrouper en un lieu différent,
D’amour que refroidit le regard de Saturne ;
Il est vrai que jadis ma plume a pu nourrir
Cette étrange passion qui naquit pour mourir :
Sur ce thème, aujourd’hui, je deviens taciturne.