Mon livre (et je ne suis sur ton aise envieux),
Tu t’en iras sans moi voir la Cour de mon Prince.
Hé, chétif que je suis, combien en gré je prinsse
Qu’un heur pareil au tien fût permis à mes yeux !
Là si quelqu’un vers toi se montre gracieux,
Souhaite-lui qu’il vive heureux en sa province :
Mais si quelque malin obliquement te pince,
Souhaite-lui tes pleurs et mon mal ennuyeux.
Souhaite-lui encor qu’il fasse un long voyage,
Et bien qu’il ait de vue éloigné son ménage,
Que son cœur, où qu’il voise, y soit toujours présent :
Souhaite qu’il vieillisse en longue servitude,
Qu’il n’éprouve à la fin que toute ingratitude,
Et qu’on mange son bien pendant qu’il est absent.
Commentaire (s)
Déposé par Cochonfucius le 16 février 2022 à 10h28
Humble amuseur
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C’est un bouffon modeste, il n’est pas envieux,
Tu ne le verras point se prendre pour un Prince ;
De tous ses jeux de mots, la matière est fort mince,
Car plus d’un à-peu-près fait l’affaire, à ses yeux.
Il eut quelque talent, mais il est un peu vieux,
D’ailleurs il est allé s’installer en province :
Il aime désormais se promener à pinces,
Et c’est pour traverser toujours les mêmes lieux.
Il profite, bien sûr, de ses petits voyages
Pour aller retrouver sa tavernière sage,
Elle lui verse alors un vin couleur de sang.
Il sait que ce n’est pas une bonne habitude,
Mais c’est quand même mieux que boire en solitude ;
Il sourit aux présents, mais il pense aux absents.