Quel heur, Anchise, à toi, quand Vénus sur les bords
Du Simoente vint son cœur à ton cœur joindre !
Quel heur à toi, Pâris, quand Œnone un peu moindre
Que l’autre, en toi berger chercha pareils accords !
Heureux te fit la Lune, Endymion, alors
Que tant de nuits sa bouche à toi se vint rejoindre !
Tu fus, Céphale, heureux, quand l’amour vint époindre
L’Aurore sur ton veuf, et pâle, et triste corps !
Ces quatre, étant mortels, des Déesses se virent
Aimés, mais leurs amours assez ne se couvrirent.
Au silence est mon bien : par lui, Maîtresse, à toi
Dans mon cœur plein, content et couvert, je n’égale
Vénus, Œnone, Lune, Aurore, ni à moi
Leur Anchise, Pâris, Endymion, Céphale.
Le grand tigre bipède avance sur les bords
D’un cours d’eau, pour aller la tigresse rejoindre ;
De n’avoir que deux pieds, sa force n’est pas moindre,
Son âme avec le monde est en parfait accord.
Il observe la Lune, elle lui parle, alors
Il sait que l’aube, ici, ne va tarder à poindre
Pour le bord de cette eau de blanche douceur oindre.
L’aurore la suivra, tendre et rougeoyant corps.
L’onde, dans le torrent, avance, tourne et vire ;
Joyeux sont les poissons, plus qu’on ne peut le dire,
Tigre, que je voudrais voyager comme toi !
Mais je traîne en ce lieu ma démarche inégale,
Comme au fond du jardin fait la vieille cigale ;
Tigre, je t’offre un coup, si tu viens par chez moi.