Francis Jammes

De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir, 1898


Le calendrier utile


 

À Remy de Gourmont.


Au mois de Mars (le Bélier ♈ ) on sème
le trèfle, les carottes, les choux et la luzerne.
On cesse de herser, et l’on met de l’engrais
au pied des arbres et l’on prépare les carrés.
On finit de tailler la vigne où l’on met en place,
après l’avoir aérée, les échalas.
 
Pour les bestiaux les rations d’hiver finissent.
On ne mène plus, dans les prairies, les génisses
qui ont de beaux yeux et que leurs mères lèchent,
mais on leur donnera des nourritures fraîches.
Les jours croissent d’une heure cinquante minutes.
Les soirées sont douces et, au crépuscule,
les chevriers traînards gonflent leurs joues aux flûtes.
Les chèvres passent devant le bon chien
qui agite la queue et qui est leur gardien.
 
Si la pleine lune le veut, la PASSION échoit
vers le milieu ou vers la fin de ce beau mois.
 
Ensuite vient le beau dimanche des RAMEAUX.
Quand j’étais enfant, on m’y attachait des gâteaux,
et j’allais à vêpres, docile et triste.
Ma mère disait : dans mon pays il y avait des olives...
Jésus pleurait dans le jardin des oliviers...
On était allé, en grande pompe, le chercher...
À Jérusalem, les gens pleuraient en criant son nom...
Il était doux comme le Ciel, et son petit ânon
trottinait joyeusement sur les palmes jetées.
Des mendiants amers sanglotaient de joie,
en le suivant, parce qu’ils avaient la foi...
De mauvaises femmes devenaient bonnes
en le voyant passer avec son auréole
si belle qu’on croyait que c’était le soleil.
Il avait un sourire et des cheveux en miel.
Il a ressuscité des morts... Ils l’ont crucifié...
Je me souviens de cette enfance et des vêpres,
et je pleure, le gosier serré, de ne plus être
ce tout petit garçon de ces vieux mois de Mars,
de n’être plus dans l’église du village
où je tenais l’encens à la procession
et où j’écoutais le curé dire la PASSION.
 
Il te sera agréable, au mois de Mars,
d’aller avec ton amie sur les violettes noires.
À l’ombre, vous trouverez les pervenches bleu de lait
qu’aimait Jean-Jacques, le triste passionné.
Dans les bois, vous trouverez la pulmonaire
dont la fleur est violette et vin, la feuille vert-
de-gris, tachée de blanc, poilue et très rugueuse.
Il y a sur elle une légende pieuse ;
la cardamine où va le papillon-aurore,
l’isopyre légère et le noir ellébore,
la jacinthe qu’on écrase facilement
et qui a, écrasée, de gluants brillements ;
la jonquille puante, l’anémone et le narcisse
qui fait penser aux neiges des berges de la Suisse ;
puis le lierre-terrestre bon aux asthmatiques.
Si ton amie est jeune et a les jambes fines,
et si son corps est une douce et simple ligne
de lumière qui bouge à peine, et glisse,
le mois de Mars sera à tes amours propice,
car sa lumière est pure et s’accorde aux bras lisses.
L’épaule de ton amie sera plus luisante
et tout son corps sera comme une source blanche
qui, de la tête aux pieds, se gonfle sur la hanche.
 
Si, lassé d’amour, on retourne à la chasse,
on peut tuer encore quelques bécasses.
 
Ami, je t’invite, dans mon modeste asile,
si tu es fatigué des choses de la ville,
à venir simplement goûter le mois de Mars.
Nous ne distinguerons pas la vie d’avec l’art.
Mais s’il te plaît, ayant bu clair, de me dire
de beaux vers où tu auras vanté le sourire
de celle qui t’a donné sa gorge de raisin,
je te remercierai et te tendrai la main.
 

                                 
1896.

Commentaire (s)
Votre commentaire :
Nom : *
eMail : * *
Site Web :
Commentaire * :
pèRE des miséRablEs : *
* Information requise.   * Cette adresse ne sera pas publiée.
 


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Βаudеlаirе : Lе Gоût du Νéаnt

Jасоb : Lа Sаltimbаnquе еn wаgоn dе 3е сlаssе

Villаrd : «Quаnd lа lаmpе Саrсеl sur lа tаblе s’аllumе...»

Sсаrrоn : «À l’оmbrе d’un rосhеr, sur lе bоrd d’un ruissеаu...»

Сlаudеl : Βаllаdе

Fоurеst : Lеs Ρоissоns mélоmаnеs

Lеvеу : Jаpоn — Νаgаsаki

Сеndrаrs : Jоurnаl

Jасоb : Villоnеllе

Βаnvillе : Lа Βеllе Vérоniquе

☆ ☆ ☆ ☆

Βаudеlаirе : Lе Gоût du Νéаnt

Vеrlаinе : «J’аi dit à l’еsprit vаin, à l’оstеntаtiоn...»

Jасоb : Fаblе sаns mоrаlité

Sсhwоb : Lе Viеuх dit :

Rаmuz : Lеs Quаtrе-Hеurеs

Τаstu : «Quе dе sеs blоnds аnnеаuх tоn bеаu frоnt sе dégаgе...»

Τhаlу : L’Îlе lоintаinе

Éсоuсhаrd-Lеbrun : «Μаîtrеssе, Αmis, fаisаiеnt mоn biеn suprêmе...»

Rеnаrd : Lе Суgnе

Νеlligаn : Lе Viоlоn brisé

Cоmmеntaires récеnts

De Сосhоnfuсius sur Lеs Αrbrеs (Viviеn)

De Jаdis sur «Αvес sеs vêtеmеnts оndоуаnts еt nасrés...» (Βаudеlаirе)

De Сосhоnfuсius sur Sur lе Sоlеil (Drеlinсоurt)

De Jаdis sur «À l’оmbrе d’un rосhеr, sur lе bоrd d’un ruissеаu...» (Sсаrrоn)

De Сосhоnfuсius sur «Lе rоу s’еn еst аllé...» (Sсаrrоn)

De Jаdis sur «Lе pеtit еmplоуé dе lа pоstе rеstаntе...» (Villаrd)

De Xi’аn sur «Μоn âmе pаisiblе étаit pаrеillе аutrеfоis...» (Τоulеt)

De Lа Μusеrаntе sur Соntrе Ligurinus : «Τоut lе mоndе tе fuit...» (Dubоs)

De Vinсеnt sur «Un sоir, lе lоng dе l’еаu, еllе mаrсhаit pеnsivе...» (Durаnt dе lа Βеrgеriе)

De Xi’аn sur Lе Суgnе (Rеnаrd)

De Сurаrе- sur «Sаintе Τhérèsе vеut quе lа Ρаuvrеté sоit...» (Vеrlаinе)

De Ρоéliсiеr sur «Αmоurs јumеаuх, d’unе flаmmе јumеllе...» (Ρаssеrаt)

De Βеn sur «Μаrgоt, еn vоus pеignаnt, је vоus pinсе sаns rirе...» (Sigоgnе)

De Lеbrun sur «Jе rêvе, tаnt Ρаris m’еst pаrfоis un еnfеr...» (Соppéе)

De Rоzès sur Lе Сinémа (Siсаud)

De GΟUUΑUX sur «J’étаis à tоi pеut-êtrе аvаnt dе t’аvоir vu...» (Dеsbоrdеs-Vаlmоrе)

De Rоzès sur Répétitiоn (Vаuсаirе)

De Xi’аn sur Sоnnеt : «Νоn, quаnd biеn mêmе unе аmèrе sоuffrаnсе...» (Μussеt)

De Rоzès sur Εsсlаvаgе (Τhаlу)

De Сurаrе- sur Lе Lаit dеs сhаts (Guérin)

De Ιо Kаnааn sur Сrоquis (Сrоs)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе