Francis Jammes


Caügt


 
Caügt avait deux jolis coqs dans son panier.
Il a quatre-vingts ans. Il vit près des sentiers
de Saint-Boès qui sont désolés et sauvages.
Les bécassines y font luire leur plumage.
Caügt m’a dit : salut ! Et dans le champ sauvage
ma chienne essoufflée ramassait la bécassine
tuée. Caügt m’a dit : j’ai connu vos parents
qui sont morts. J’ai quatre-vingts ans.
Mon fils avait pareille une chienne de chasse.
Et le coteau était noir, roux comme les bécasses,
Caügt m’a dit : salut ! Et vers le bois terrible
je suis allé. Caügt me regardait partir.
 
J’étais dans les touyas avec ma chienne douce,
et nous allions au bois d’argent, d’ombre et de mousse.
Et j’ai pensé à toi qui as la peau douce
comme un grain de raisin et une nèfle rousse.
 
Les éperviers aigus volaient sans avoir l’air de bouger.
 
La tête lourde des corbeaux comme un clou épais.
 
Les piverts volent comme des vagues, en courbées
et, droits, ils griffent l’écorce, cachant leurs plumes vertes.
Les ruisseaux après la pluie sont un peu jaunes
et, au printemps, au bord, il y a des anémones.
Le coteau est comme en sang noir et, du haut,
les montagnes nagent au ciel doux, simple et beau.
De l’autre côté des coteaux sont les villages
doux qui dorment au soleil comme des haches.
Là, il y a des tonnelles tristes au vieux jardin
où les poules grattent près des buis, des ricins.
La tonnelle en lauriers luisants est verte et noire.
Il y a un banc, au fond, en bois couleur de soir,
et qui est un peu humide, à cause de l’ombre,
même l’été quand le soleil est en bleu plomb.
Viens-y ! L’après-midi sera luisant. Ta bouche
sur ma bouche, nous nous tairons, et les cigales
cliqueront sur les roses en eau rose du Bengale.
Nous nous aimerons tant que nous ne respirerons plus,
en nous pressant sur le banc noir et vermoulu,
aux pieds en bûches. Puis nous reviendrons, le soir.
Les génisses douces tendront le cou vers toi, à l’abreuvoir.
Puis nous irons voir Caügt dont le nom me plaît
comme une flûte et comme des violettes,
Caügt qui dit : salut ! qui a quatre-vingts ans,
des joues rouges ridées, maigres, des yeux luisants,
qui regarde, méfiant, par les haies d’églantiers,
et qui porte de jolis coqs dans son panier.
 

                                 
1895.

De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir, 1898

Commentaire (s)
Déposé par Jadis le 19 octobre 2019 à 18h31


Il avait l’œil luisant, mais l’œil était de verre.
Comme il se promenait un jour au cimetière,
Son œil choit. Et tandis que le vieillard éructe,
L’œil était dans la tombe et regardait Caügt.

(Hein ! Vous m’en trouverez, des rimes pareilles !)

[Lien vers ce commentaire]


Mon florilège

(Tоuriste)

(Les textes et les auteurs que vous aurez notés apparaîtront dans cette zone.)

Compte lecteur

Se connecter

Créer un compte

Agora

Évаluations récеntes
☆ ☆ ☆ ☆ ☆

Ρérin : Αubе

Αpоllinаirе : Lе Drоmаdаirе

Соignаrd : «Οbsсurе nuit, lаissе tоn nоir mаntеаu...»

Lаfоrguе : Βоufféе dе printеmps

Τоulеt : «Si vivrе еst un dеvоir...»

Ρéguу : Ρrésеntаtiоn dе lа Βеаuсе à Νоtrе-Dаmе dе Сhаrtrеs

☆ ☆ ☆ ☆

Vеrlаinе : L’Αubеrgе

Vеrlаinе : À Hоrаtiо

Соrnеillе : Sоnnеt : «Dеuх sоnnеts pаrtаgеnt lа villе...»

Fоurеst : Sаrdinеs à l’huilе

Sullу Ρrudhоmmе : Lеs Сhаînеs

Ρоnсhоn : Lе Gigоt

Cоmmеntaires récеnts

De Сосhоnfuсius sur «Un сlаirvоуаnt fаuсоn еn vоlаnt pаr rivièrе...» (Αubigné)

De Сосhоnfuсius sur «Αfin qu’à tоut јаmаis dе sièсlе еn sièсlе vivе...» (Rоnsаrd)

De Сосhоnfuсius sur Ρоlуphèmе еn furiе (Τristаn L'Hеrmitе)

De Ιоhаnnеs sur Ρrièrе dе соnfidеnсе (Ρéguу)

De Сurаrе- sur Lеs Fеuillеs mоrtеs (Gоurmоnt)

De Lilith sur Vеrlаinе

De Μоntеrrоsо sur Lа Μоuсhе (Αpоllinаirе)

De Jаdis sur Саrоlо Quintо impеrаntе (Hеrеdiа)

De Сurаrе- sur Sоnnеt : «Un livrе n’аurаit pаs suffi...» (Ρrivаt d'Αnglеmоnt)

De Τrуphоn Τоurnеsоl sur À unе mуstériеusе (Rоllinаt)

De Сurаrе- sur L’Αngе (Lоuÿs)

De Αlbаtrосе sur «Dоuсе plаgе оù nаquit mоn âmе...» (Τоulеt)

De Gеf sur À Μ. Α. Τ. : «Αinsi, mоn сhеr аmi, vоus аllеz dоnс pаrtir !...» (Μussеt)

De Gеf sur Villеs : «Се sоnt dеs villеs !...» (Rimbаud)

De Jаdis sur Τаblеаu (Сrоs)

De Βibоsаurе sur À Αlf. Τ. : «Qu’il еst dоuх d’êtrе аu mоndе, еt quеl biеn quе lа viе !...» (Μussеt)

De Βоurg sur «Lоngtеmps si ј’аi dеmеuré sеul...» (Τоulеt)

De Jаdis sur Épigrаmmе d’аmоur sur sоn nоm (Αubеspinе)

De Ιsis Μusе sur Lа grоssе dаmе сhаntе... (Ρеllеrin)

De Dаmе dе flаmmе sur Сhаnsоn dе lа mélаnсоliе (Fоrt)

Plus de commentaires...

Flux RSS...

Ce site

Présеntаtion

Acсuеil

À prоpos

Cоntact

Signaler une errеur

Un pеtit mоt ?

Sоutien

Fаirе un dоn

Librairiе pоétique en lignе