Nini la petit’ gigolette
Ne sort pas de la cuiss’ d’un roi,
Elle a vu l’ jour à la Villette,
À l’entresol, tout près des toits.
Son père était un bath hercule,
Son frangin baladait les chiens,
Sa mèr’ crânait comm’ somnambule
Mais ell’, flémard’, ne faisait rien !
 
    Nini la gigolette...
    La môme du faubourg,
    N’a pas froid aux mirettes,
    S’y connaît en amour.
    C’est pas un’ cocodette,
    Qui s’ fich’ du patchouli.
    Ell’ ne fait pas d’ chichi...
    Nini la gigolette !
 
La gigolett’ quand elle est gosse,
Est tout nerf, c’est un vrai démon,
Une vraie teigne, une vraie rosse
Qui se cogne avec les garçons !...
À part ça, ell’ n’a pas d’ rancune
Quand ell’ vient d’ se coller des gnons,
Ell’ se fait la paire à la lune
S’ payer des brioch’s pour deux ronds !
 
Pour ell’ quinze ans, c’est la belle âge,
Ell’ ne sait pas c’ que c’est qu’ le mal,
Comm’ un’ blanch’ mascotte elle est sage,
Mais ell’ n’a qu’un béguin, le bal !
Fièr’ comm’ un’ rein’, pimpant’, frisée,
Nu-tête, un’ fleur au caraco,
Ell’ pince une valse échev’lée
Serrée par un p’tit homm’ costo !
 
Quand vient l’amour, comm’ dit l’ poète,
Ell’ tressaill’ jusque dans les os
Et s’ dit : « Tu n’ vas pas fair’ la bête,
T’ laisser fair’ par un gigolo ! »
Mais quand ça la tient, j’ vous assure,
Elle a beau vouloir rien de rien
Faut qu’ell’ paie l’impôt d’ la nature :
À seize ans, ell’ ne doit plus rien.